Chronique cannoise #2.
Passés des débuts un peu ternes, deux nouveaux films ont été présentés en compétition. Deux univers complètement différents pour deux réussites à différents niveaux. Habemus Papam de Nanni Moretti et Polisse de Maïwenn. Deux candidats sérieux au Palmarès cannois.
Habemus Papam |Nanni Moretti Sortie France: 7 septembre 2011
Une idée géniale, un titre idéal. Depuis le tout début de sa production en 2010, le nouveau film du palmé italien est annoncé partant pour la sélection cannoise. Un an plus tard, le transalpin est bien au rendez-vous. Nanni Moretti décrit en moins de deux heures les quelques jours du conclave en la basilique St-Pierre à Rome. L’icône du cinéma français Michel Piccoli est le cardinal Melville, récipiendaire bien malgré lui des votes de ses confrères. Pape en péril.
Moretti fait du Moretti, et amuse son monde avec cette farce sur le pouvoir et la solitude qui en résulte.
Après Le Caïman et son attaque frontale
contre le Président du Conseil Berlusconi, Nanni Moretti, comme à son habitude, ruse son monde et touche juste. Un casting masculin formidable complète ce tableau italien. Passionnant, rusé, extrêmement drôle souvent, Nanni Moretti, qui campe délicieusement le psychanalyste missionné pour venir en aide à ce pape nouvellement élu, se complaît parfois dans une certaine grandiloquence, que l’on ne trouvait pas dans ses premiers films (avant la bascule de La Chambre du Fils). Malgré ces réserves, Habemus Papam se retrouvera très certainement au Palmarès (scénario ? Piccoli ?).
Polisse |Maïwenn Sortie France: 19 octobre 2011
Maïwenn ne laisse pas indifférente, c’est le moins que l’on puisse dire. Rappelons les soupirs qui avaient accompagné son nom lors de la divulgation des 19 films sélectionnés en Compétition le 14 avril dernier. On s’en était fait l’écho dans ces colonnes.
C’est donc non sans recul et a priori que l’on venait épier la troisième réalisation de mademoiselle Le Besco.
L’histoire suit les tribulations de la Brigade de Protection des Mineurs, un peu comme avait pu le faire Bertrand Tavernier avec L 627.
Maïwenn est une cinéaste, une cinéaste de l’intime, de l’intrusion, et de l’immédiateté. Est-ce parce qu’elle est une jeune femme, et actrice de surcroît, une incroyable fraîcheur et générosité transparaît pendant les 2h15 de Polisse; on pouvait le comprendre avec ses deux premiers longs métrages, Pardonnez-moi et Le Bal des Actrices sur des sujets beaucoup plus personnels à première vue. Mais le tour de force est là. Polisse frappe dans sa franchise, à la limite du raisonnable. Les dialogues sonnent justes (à n’en pas douter l’un des couples de scénaristes/dialoguistes les plus doués de sa génération; le scénario est co-écrit avec Emmanuelle Bercot. On rit. Beaucoup. C’est une des grandes forces du film malgré le sujet casse-gueule.
Joey Starr leader d’une distribution pléthorique. Tout ce qui se fait de bien dans le cinéma français (ou presque) se retrouve dans le film: Karin Viard, Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Karole Rocher, Lou Doillon, Frédéric Pierrot, Riccardo Scamarcio, Emmanuelle Bercot, Louis-Do de Lenquesaing, Martial Di Fonzo Bo, Sandrine Kiberlain, Audrey Lamy,… et j’en passe. On connaît les méthodes peu orthodoxes de Maïwenn en matière de direction d’acteurs (d’autant qu’elle a choisi de jouer également dans le film, une faute de personnage, elle l’a reconnue en conférence de Presse), donc il y a du bon (Pierrot, Rocher) du moins bon (Karin Viard complètement à côté de la plaque, en surjeu continuel) et du très très bon avec la prestation animale de Joey Starr, comme si Maïwenn avait concentré toute son attention sur l’ex leader de NTM. Il est prodigieux de sincérité, touchant et navrant à la fois, un tigre en cage en contrôle continuel. Une prestation qui ne devrait pas échapper au Président de Niro. Il crève l’écran, quitte à déséquilibrer la distribution pléthorique. Car on se demande parfois jusqu’où Maïwenn ira pour trouver à tout prix un rôle à tous ses amis: que vient faire Martial Di Fonzo Bo dans cette galère aussi crédible en prof de sport que Teddy Riner en majorette, pour une présence de 2mn à l’écran.
Une (surprenante) réussite, enfin si seulement Maïwenn avait réussi sa scène finale…
Un Prix d’interpétation masculine ex-aequo Piccoli – Joey Starr, voilà qui aurait de la gueule, non ?

Polisse de Maïwenn SO/CO

Salut Thomas,
Vraiment un grand merci pour tes chroniques toujours mordantes et autocritiques… Le film de Maïwenn parait très tentant en effet.
On se retrouve autour d’un café à ton retour pour débriefer de cette 64e édition cannoise ?