CANNES 2012
Compétition
LES (ROUGE) BRONZÉES
Teresa profite de quelques jours de repos bien mérités pour quitter son Autriche chérie et partir découvrir les jolies et exotiques contrées kenyanes. Elle y retrouve de vieilles copines qui n’ont visiblement pas de grandes excursions bucoliques prévues à leur programme. Teresa n’est pas plus idiote qu’une autre et décide elle aussi de se laisser aller à la recherche d’un jeune et fort hidalgo local.
Tel aurait pu faire office de pitch pour un film commandé à Jérôme Cornuau (c’est le seul nom qui m’est venu) par l’Office de tourisme du Kenya en direction des peuplades occidentales. Office de tourisme du Kenya qui est, pour l’anecdote, bien cité dans les remerciements du générique de fin (on aurait adoré être une petite souris pour connaître les phrases de l’argument d’Ulrich Seidl et de son équipe quand ils ont fait les démarches pour le tournage NDLR).
Sauf que Paradis: Amour est réalisé par l’autrichien Ulrich Seidl, le sulfureux et renifleur de crasse humaine bien connu des cinéphiles depuis Dog Days et surtout Import/Export (déjà présent en Compétition à Cannes). Thierry Frémaux est fidèle à ses réalisateurs. Bien lui en a pris. Seidl a décidé avec Paradis: Amour d’entamer une trilogie. Ce premier opus suit une sexagénaire autrichienne, pas plus privilégiée que d’autres et figure emblématique de ce que l’on pourrait imaginer être la classe moyenne européenne, dans ses pérégrinations sexuelles au Kenya.
Le tourisme sexuel vu sous le prisme des femmes n’est pas un sujet neuf pour le cinéma, on se souvient de Laurent Cantet en 2006 avec Vers le Sud qui avait déjà évoqué cette déviance de la mondialisation marchande. Là où on aurait pu craindre les plus sombres écueils formels de la part d’Ulrich Seidl, le réalisateur réussit à délivrer son film le plus accessible.
Même si le terme d’accessible pour Seidl est tout de suite à relativiser; il n’évite pas les provocations gratuites – la scène de trisomiques perdus dans des auto-tamponneuses en ouverture en est le parfait exemple – et ne peut s’empêcher de laisser languir des scènes de rapprochement des corps laissant le spectateur, au risque d’être complaisant, aux prises avec un racisme répugnant et abject autant dans les mots que dans les gestes.
Malgré cela, Seidl fait montre d’une maîtrise du cadre que l’on ne lui connaissait pas à ce point d’exigence, lui, l’amoureux de la chair et de la chair généreuse, trouve dans de nombreux plans une esthétique picturale proche des plus grands maîtres du XXè siècle (Francis Bacon, Niki de Saint Phalle). Rien que ça.
Exigeant, perturbant et fort maîtrisé, Paradis: Amour patine néanmoins par des longueurs assourdissantes et vaines.
Sortie France. Indéterminée