L’iranien Asghar Farhadi présente son premier film en langue française directement en Compétition trois après le succès planétaire Une Séparation. Un film tourné à Paris avec Bérénice Béjo et Tahar Rahim.
CANNES 2013
Compétition | 17 mai
Deux bébés-cannes retrouvent l’air pluvieux de la Compétition cannoise: Tahar Rahim, étoile surgissante d’Un Prophète de Jacques Audiard en 2009, et la délicieuse muette de The Artist aux côtés de Jean Dujardin, Bérénice Béjo, font cause commune et s’affrontent devant la caméra de l’iranien oscarisé Asghar Farhadi.
Polar sans armes, thriller sentimental tranquille et austère (pas une once de musique ne vient ponctuer les 2 heures de film), Le Passé n’utilise aucun artifice pour exposer les méandres deux histoires de couple(s) qui se chevauchent temporellement. Un pivot, Marie (Bérénice Béjo), une histoire qui se termine et une autre qui tente de s’affirmer. Après 4 ans de séparation (sic), Ahmad, qui revient d’Iran pour régulariser sa rupture avec Marie, se retrouvera impliqué malgré lui dans la nouvelle relation de celle qu’il aime toujours.
Asghar Farhadi tient son sujet comme une intrigue policière, sans meurtre ni investigation. Il laisse les personnages s’affronter; en silence (souvent). Des personnages denses, pesants et lourds (trop certainement). Car s’il y a bien une chose que Farhadi sait faire, c’est raconter une histoire. Son histoire, avec un passé, un présent, un futur (qui reste à caution). Le tout à grand renfort de signaux un peu forts, la lourdeur des non-dits, le poids du passé (encore une fois). Le réalisateur iranien nous montre sans cesse combien son scénario est bien écrit, qu’il sait d’où il vient et où il va (ce n’est déjà pas mal, me direz-vous). Farhadi a beaucoup vu les films de Sautet, ça se sent, ça se voit, il y a pire référence, mais n’est pas Sautet qui veut.
Une histoire au service d’une direction d’acteurs comprimée. Ils sont bons, tous les trois, et les jeunes acteurs aussi (mention spéciale pour Jeanne Jestin) mais tellement englués dans une posture écrite à l’avance qu’il ne les laisse en rien montrer autre chose: Tahar Rahim ne se départ pas d’une humeur de chat échaudé les yeux brumeux de tristesse et de pesanteur; alors que Bérénice Béjo la joue dans l’outrance parfois au détriment de nuance souvent. Quand on sait qu’au début du projet Farhadi avait attiré dans ses filets Marion Cotillard pour jouer le rôle principal, mais la Piaf avait dû décliner sa participation assez tardivement, on ne peut s’empêcher de penser que la femme de Michel Hazanavicius à la ville a souffert inconsciemment de la comparaison pour accentuer le trait plus qu’il ne fallait.
Même si l’emotion est au rendez-vous, une émotion douce qui sert le cheminement de l’histoire, même si Asghar Farhadi a une patte, c’est indéniable, et maîtrise à peu près tous les postes du film (mise en scène, scénario, montage,..), c’est un travail presque trop bien fait, un exposé exhaustif mais un peu lassant sur lequel on ne sait pas trop quoi dire. Certes le résultat final est de haut niveau, on aimerait ressentir un peu d’aspérité. Un défaut qui pourrait bien devenir une qualité majeure à l’heure des délibérations du jury cannois.
Un choix de consensus ? On n’est pas à l’abri de le penser. Le film est sorti en salles hier, le jour de sa présentation cannoise, chacun peut donc se faire un avis.
COMPETITION
LE PASSÉ de Asghar Farhadi
Sortie le 17 mai