Il était le chouchou des Festivaliers, un des favoris à la Palme d’Or, le prodige auto-proclamé québécois Xavier Dolan est reparti hier avec un « petit » prix du jury du Festival de Cannes pour son cinquième film, Mommy.
A voir sa tête lors de l’annonce de son prix, Xavier Dolan s’attendait clairement à mieux au sortir de cette cérémonie de Palmarès. Un discours préparé et lu comme s’il avait obtenu la Palme d’Or, le réalisateur de 25 ans (!) repart tout de même avec un prix de sa première participation à la Coméptition cannoise.
On n’a jamais caché ni boudé notre plaisir avec les précédents films de Dolan. Les trois premiers, présentés déjà à Cannes – J’ai Tué ma mère à la Quinzaine des Réalisateurs, et au Certain Regard Les Amours Imaginaires et Laurence Anyways – nous avaient soufflé. Un vent nouveau, pop, acidulé, maniéré, hipster-gai, contemporain, félin, sexy, dandy, s’était révélé sur la planète cinéma face à un tel talent surgissant d’une telle précocité.
La presse s’était fait les gorges chaudes d’une soi-disant rancoeur du cinéaste suite à la non-sélection en Compétition de Laurence Anyways avec Melvil Poupaud et il aurait ostensiblement boudé la Croisette lui préférant Venise pour y présenter son 4è long métrage Tom à la ferme. Quand on l’écoutait hier soir de ce fameux discours, les mots étaient plus mesurés, allant jusqu’à saluer Thierry Frémaux, le délégué général, de l’avoir « protégé » jusque-là du tourbillon de la Compétition.
Mais revenons à ce qui nous amène ici aujourd’hui. Mommy. Salué par une presse étonnamment dithyrambique « prodige », « tour de force visuel », « le film qui a ému la Croisette », et des scènes que l’on a très rarement vu jusqu’alors quand, lors de l’annonce de ce prix du jury jugé « insuffisant » pour beaucoup, l’on entendait des sifflets de protestations à la fois en salle Debussy dans laquelle était rediffusée la Cérémonie et en salle de presse. Assez dingue.
Mommy. Tout ce que l’on avait adoré chez Dolan nous a tout à coup sorti des yeux. Les couleurs, les audaces formelles (cette idée de jouer sur le format de l’écran pour accentuer encore un peu plus le sentiment d’enfermement et de liberté, c’est bon je crois qu’on a compris !), les parti-pris de bande-son désuète et marquée (revival Dido, Oasis, Andrea Boccelli et surtout « On ne change pas… » de la reine Céline Dion… arghhh !), mais surtout, surtout, que Xavier Dolan arrête de nous bassiner avec ses sempiternels problèmes avec Môman. Je sais, c’est la fête des mères aujourd’hui, mais il existe des divans de psychanalyses pour ça. Le cinéma regorge de thérapies à l’écran qui ont d’ailleurs fait parfois de très bons films, mais on n’est plus exigeant avec les gens qu’on aime et dont on estime le travail. On préfère le Dolan qui nous raconte des histoires plus éloignées de lui.
Alors oui, on fait la fine bouche, mais parce qu’on est sûr que Dolan aura sa Palme un jour. 25 ans, 5 films et un talent de dingue. Mommy c’est aussi une direction d’acteurs formidable, exercie dans lequel il est peut-être l’un des tout meilleurs actuellement. Un trio magique – Suzanne Clément, Anne Dorval et le jeune Antoine Olivier Pilon – à son service et qui donnerait leur vie pour Dolan. Les plateaux de tournage de Dolan feront un jour à coup sûr un excellent documentaire. Mommy est à sa place, au Palmarès mais pas trop haut. Dolan a le temps. Et nous, on piaffe déjà d’impatience. Sans rancune.