Chronique à Cannes #7 // Deux pépites en sélections parallèles, les déceptions Mendoza et Sorrentino + la grosse attente Gaspar Noé au programme de cette 7è étape de notre Cannes 2015.
Mercredi 20 mai. Cela s’annonce comme l’enchaînement le plus attendu de cette édition 2015. Cette nuit 0h15 : Love de Gaspar Noé, la séance de minuit qui fait fantasmer la Croisette, et 8h30 demain matin : première projection de Dheepan le nouveau film de Jacques Audiard. Deux des réalisateurs français les plus respectés de la planète cinéma.
Bolide turc. Le parallèle était facile hier au sortir de Mustang le premier film de Deniz Gamze Ergüven : 5 soeurs toutes plus belles les unes que les autres et invariablement inséparables à l’amorce de l’affranchissement à l’âge adulte : c’est notre Virgin Suicides à la sauce Bosphore. Le parallèle ne s’arrête pas là puisque le film de Sofia Coppola avait lui aussi était présenté à la Quinzaine des Réalisateurs (en 1999). Mustang c’est un voyage dans un village paumé à 1000 bornes d’Istanbul, où 5 soeurs font la nique à leurs chaperons familiaux. Pas de rupture de rythmes, une écriture soignée (Alice Winocour signe le scénario), et surtout une fraîcheur infinie : une matérialisation légère du « choc des civilisations » comme on dit… Un candidat sérieux au label coup de coeur de Cannes 2015 remporté par Les Combattants l’an dernier…
Family of splendour. Dans la sélection qui monte, l’Acid, était présenté hier soir le nouveau film de Patrick Wang, cinéaste américain de In the family. La bonne pioche se nomme The Grief of others. La famille, encore, un père, une mère, un fils, une fille, une demi-soeur qui débarque, et la perte d’un enfant, qui vient dérégler l’équilibre précaire. Patrick Wang est un auteur à part, il filme à hauteur de petit bonhomme (beaucoup de contre-plongées), des plans larges et peu de plans-fixes, une progression dans l’intime qui a tiré quelques larmes aux festivaliers venus en nombre. L’un de nos coups de coeur de ce Festival.
On a vu aussi. Deux poids lourds et deux déceptions notoires. Youth de Paolo Sorrentino, énième sélection de l’italien en Compétition dans un film américain planté dans un hôtel en montagne suisse, avec Michael Caine, Harvey Keitel, Jane Fonda, Rachel Weisz et Paul Dano. Point d’Italie, point de Toni Servillo mais toujours le même talent de faiseur d’images de Sorrentino, musique additionnelle choyée (une notable cover de « Dreams are my reality » le mythique tube de La Boum de Richard Sanderson), et une mise en scène dégoulinante. Les personnages se retrouvent tous dans cet hôtel-fontaine de jouvence pour exorciser leur mal de vivre. La vieillesse, la mésestime de soi, autant de symptômes à soigner. Etonnant parallèle avec The Lobster sur l’enfermement dans un établissement-sanatorium. Comme si les exfiltrations de son milieu social devenaient la solution ultime aux maux de nos sociétés modernes. Michael Caine y est formidable, l’un de ses rôles les plus forts ces dernières années. C’est déjà pas mal. En sélection Un Certain Regard, Brillante Mendoza fait figure de poids lourd aux côtés de Naomi Kawase ou Apichatpong Weerasethakul. Son Taklub nous a laissé de marbre, le réalisateur de Serbis y filme ses Philippines après le passage du typhon Haiyan, la boue, les reconstructions, les disparitions, Mendoza fait (sur)jouer cette communauté des gens de peu ou de plus rien. Un artifice qui trouble le message et le film dans son ensemble malgré des images bouleversantes et quelques scènes dont seul Mendoza est coutumier.
Dans le prochain épisode : Jia Zhang-ke et les grosses attentes Gaspar Noé et Jacques Audiard…