Chronique à Cannes #9 // Billet spécial « The Assassin » de Hou Hsiao-hisien. Notre Palme d’Or incontestée. Une oeuvre majeure à protéger coûte que coûte.
Vendredi 22 mai. Nous aurions aimé vous parler de Fatima, l’excellent film de Philippe Faucon, une élégante histoire (vraie) d’une femme de ménage cherchant la meilleure façon d’aider ses proches et de surtout, surtout, ne déranger personne. Cela nous aurait aussi permis de vous dire tout le bien que l’on pensait de la comédienne Zita Hanrot (qui interprète « Nesrine » à l’écran), un nom à retenir. Nous aurions pris plaisir à évoquer Le Trésor, nouveau film du roumain Corneliu Porumboiu, qui partage avec Philippe Faucon ce délicieux goût de la modestie de a caméra. Le Trésor, nous l’aurions en Compétition tant la sagesse et la sobriété avec laquelle le réalisateur de 12h08 à l’est de Bucarest conte cette histoire aux aspects anecdotiques, de façon remarquable. Et qu’il y en aurait eu des lignes à écrire sur The Other Side, plongée terrifiante dans le Grand Sud américain, en Louisiane dans le Bayou, signée Roberto Minervini, au coeur même d’une population bien loin des préoccupations médiatiques à NY ou LA, où l’on conspue Obama, on y glorifie le port d’armes,… l’un des chocs 2015 du Festival. Oui, mais c’était sans compter sur The Assassin de Hou Hsiao-Hsien. Chronique spéciale.
Chef-d’oeuvre en péril. Grosse émotion hier soir lors de la projection de The Assassin, le dernier film de Hou Hsiao-Hsien. Des films comme qui vous donnent envie de continuer à vous lever tous les jours depuis le début du Festival à 6h du mat’ pour affronter ce (trop) plein de cinoche. Certains chefs-d’oeuvre de la musique ou de l’art contemporain nous dépassent, nous transpercent le coeur et l’âme sans trop savoir pourquoi. Comme certains mouvements de Stravinsky, ou certaines peintures de Basquiat; nul besoin de connaître les codes – comme on dit – pour ressentir le génie. Le réalisateur taïwanais de Millenium Mambo ou Three Times est de cette trempe-là. Les images de The Assassin sont stupéfiantes : des tableaux picturaux, du noir et blanc en prologue et des retranscriptions éclatantes en couleur par la suite, du format 1:33 jusqu’au scope, Hou Hsiao-Hsien est un des grands formalistes de son temps.
Nous avons sous-titré cette évocation « Chef-d’oeuvre en péril », car oui The Assassin est une oeuvre qu’il faut protéger. Les fauteuils claqués allègrement lors de la projection hier, et quand ils ne claquaient c’est les ronflements qui se faisaient entendre, et beaucoup de commentaires acerbes aujourd’hui sur la Croisette étaient mitigés voire circonspects sur le film. Pourquoi de telles réserves? Les spectateurs n’acceptent pas de ne pas saisir précisément tout de suite la trame de ce scénario. Il s se sentent laissées pour compte. Le cadre ? La Chine médiévale, l’Empire Tang et une héroïne justicière, Yinniang, la sublime Shu Qi. Poignards, princesses et combats vengeresses, on pourrait presque croire à un un prequel signé Ang Lee ou Zhang Yimou. Il n’en est rien. Les combats sont aussi délicats qu’intenses, tout en majesté.
Des années à l’attendre, maintes fois reporté pour cause de post-production éternelle, mais que la récompense est belle. The Assassin éclate face à lui toute autre proposition de cinéma. Conjurons le mauvais sort. Il n’en sera pas autrement. Si dimanche, le jury présidé par les frères Coen, souhaite faire une place au film dans leur Palmarès, une seule place possible, la Palme d’Or. Sinon rien. Tout autre prix serait ridicule même la mise en scène. Allez, un petit effort, on sera là pour assurer le service après-vente… !
Dans le prochain épisode. Dans le prochain épisode ? Mais y-a-t-il besoin d’un autre épisode après avoir vu tel chef-d’oeuvre. Bon, on trouvera bien une rencontre avec Pharrell Williams à raconter… Oui vous avez bien lu, Pharrell, himself.