Le réalisateur belge s’embourbe les pieds dans le tapis de la tragédie de couple ordinaire. Et emporte avec lui les talents de Cédric Kahn et Bérénice Béjo.
Vendredi 13 mai. Nous sommes le 13 mai, 6 mois après les attentats de Paris. Le coeur n’est pas aux commémorations mais sûrs que certains festivaliers ne se sont pas réveillés la bouche pâteuse ce matin comme les autres matins. Au programme un double shot cambodgien, 2 déceptions franco-belges et un peu de Festival d’Avignon avant l’heure.
Quinzaine des Réalisateurs. Marie et Boris cohabitent dans une belle maison cossue. Le couple se déchire et persiste à dormir sous le même toit avec leurs deux petites jumelles, Margaux et Jade. Un huis-clos sous l’aune de L’Économie du couple, forcés qu’ils sont de se supporter faute de fric suffisant.
S’ensuit une guerre domestique interminable, à grands renforts de lutte des classes -elle la bourgeoise, lui le sans-grade-, où chaque geste du quotidien devient un supplice. On avait aimé le Lafosse des débuts (Nue Propriété, Élève libre, À perdre la raison), on l’avait perdu l’an dernier avec le poussif Les Chevaliers Blancs (recalés de Cannes d’ailleurs). Le belge semble vide, sans idées nouvelles. Il reconnaissait lui-même avoir laissé libre cours aux improvisations de ses deux acteurs (perdus dans cette maison sans âme – Cédric n’a jamais été aussi mauvais à l’écran) à partir du scénario co-écrit avec Mazarine Pingeot.
Un Certain Regard. Premier film de Stéphanie Di Giusto, La Danseuse est l’histoire de Loïe Fuller, danseuse du début XXe. Ce biopic qui n’en est pas un va nous mener du Far West à New York, de New York au Paris des Folies-Bergères. Pour un premier film , la réalisatrice a eu les moyens de ses ambitions. Le spectateur en a pour son argent – fort heureusement nous somme invités – décors, costumes, figurants, photo – tout est bien en place pour faire valoir un casting xxl : Denis Ménochet, François Damiens, Mélanie Thierry, Lily-Rose Depp, Laure Callamy, Gaspard Ulliel et Soko, éclatante Soko.
Car s’il y a bien quelque chose ou quelqu’un à sauver dans cette pub Chanel boursouflante étirée sur 1h48, c’est bien Soko. Elle était déjà à son aise à cette époque dans Augustine. Les réalisatrices lui font les yeux doux pour incarner ces beautés sans âges, ces corps ni trop ni pas assez. Elle émerveille en danseuse-papillon.
Autres films. La pépite du jour se nomme Diamond Island, premier film du franco-cambodgien Davy Chou. Le cinéma cambodgien se résumait jusqu’alors à l’indispensable Rithy Panh et son travail de cinéaste de la mémoire khmer (dont a vu le superbe Exil en séance spéciale). Davy Chou débarque avec un cinéma hyper référencé, mais quelles références… Apichatpong Weerasethakul, Hou Hsiao-hsien,… excusez du peu. Il dépeint, dans Diamond Island, une jeunesse de Pnomh Penh libre, naturaliste, urbaine, moderne, avec un magnifique travail sur les sons et les ambiances. Un des meilleurs premiers films vus jusqu’alors.
Enfin, une petite encartade théâtrale : Le Disciple du russe Kirill Serebrennikov. Metteur en scène de théâtre vu au Festival d’Avignon l’été dernier adaptant du Gogol, Serebrennikov adapte une pièce de Marius von Mayenberg. Un duel psychologique à coup de citation biblique – qui surgisse à l’écran comme des coups de poing assénés l’un à l’autre. Lui c’est Veniamine, joué par l’incandescent Petr Skvortsov, beau, charismatique et troublant comme l’était Ezra Miller dans We need to talk about Kevin. Le cinéaste russe sait y faire mais l’outrance de la forme, les logorrhées verbales criardes comme si l’on était dans la Cour d’Honneur d’Avignon dessert un style fort et tenu jusqu’au bout.