La Croisette se remet doucement de la tempête teutonne qui a soufflé hier dans les coeurs de (presque) tous les Festivaliers.
Samedi 14 mai. La projection de Toni Erdmann de Maren Ade vient confirmer une tendance lourde cette année. Une fois n’est pas coutume, on rit beaucoup en Compétition que ce soit avec Dumont, Loach, Puiu ou Guiraudie. Profitons ça risque de ne pas durer…
Compétition. La voilà notre première sensation de ce Festival. Elle vient d’Allemagne, elle est l’oeuvre de la cinéaste allemande Maren Ade : Toni Erdmann. Le Grand Théâtre Lumière a vécu l’un de ses moments qui valent à eux seuls le déplacement sur la Croisette. Plus de 2000 spectateurs en larmes de rire, des applaudissements à tout rompre en plein milieu du film deux fois coup sur coup, après deux scènes d’anthologie. Oui Toni Erdmann est une merveille.
Pourtant tous les artifices les plus graveleux sont de sortie : Toni (le père ce héros) a tous les apparats du paternel encombrant, coussin péteur, perruque, faux dentier. C’est avec cet attirail qu’il vient rendre visite à Inès, sa fille working girl austère en voyage d’affaires importantissime à Bucarest. Voir le quotidien de sa fille. La comprendre et rattraper le temps perdu à sa façon. C’est tout en cela en près de 3 heures de temps que Maren Ade sublime dans Toni Erdmann. Un portrait d’une tendresse infinie, d’une drôlerie sans pareille. A minima un ou deux prix d’interprétation viendront couronner une telle réussite. Si ce n’est plus ?
Semaine de la Critique. Premier film de Julia Ducournau, Grave décroche haut la main la Palme du film le plus sanglant de ce début de Festival. Teen-movie tendance cannibale, c’est comme si Riad Sattouf avait bouffé du Cronenberg à la sauce Claire Denis. Vous voyez le programme ? Et bien c’est mieux encore…
Justine végétarienne viscérale – comme toute la famille, ouais ça sent pas très clair tout ça -, débarque en école de veto retrouver sa soeur déjà en grande section, y parfaire son amour immodéré pour les animaux (laissés en vie). C’était sans compter sur un déclic fondateur, rouge sang. Campée par la jeune révélation Garance Marinier et entouré de Laurent Lucas (toujours sans les bons coups surtout quand ça vrille bien comme il faut) et Joanna Preiss notamment, Ce Grave déchire sa race à grands coups de bâton de ski dans le dos et de jambe sauce béarnaise. À dévorer sans modération.
Autres films. La Compétition voit aussi le retour de Park Chan-wook avec Mademoiselle. Un thriller lesbien à l’esthétique irréprochable et une intrigue qui n’est pas sans rappeler celle de Diaboliques ou Sexcrimes. Du pur Park pour un scénario alambiqué et retors où le réalisateur de Old Boy aime lancer des fausses pistes pour mieux jouer au « Je vous avais bien eu ». Le film est plus dense qu’il en a l’air.
Enfin, le Neruda signé Pablo Larrain. À l’instar de Rithy Panh, Larrain n’en finit plus de faire sien le devoir de mémoire de son peuple chilien. Sans doute la contrepartie à payer des souffrances pas si lointaines et présentes dans chaque famille du pays. S’attaquer à la figure du poète, prix Nobel de littérature, compagnon d’Allende et communiste parmi les premiers, était très risqué. Larrain choisit de ne s’attacher qu’à une partie int(f)ime de sa vie. L’histoire d’une fuite pour échapper à un policier obstiné (Gael Garcia Bernal). En ressort un thriller aérien, une peinture de paysages de ce que le Chili peut offrir de plus beau. On se demande encore comment ce film a pu lui être refusé la Compétition.