Marseille la rebelle s’offre enfin un film à sa hauteur.
Animal et vivant.
Cannes 2018 (semaine de la critique). Il est des hasards comme ça où en moins de 24h, des thèmes se rejoignent, des acteurs en rappellent d’autres, des films se répondent comme dans une bonne vieille table ronde sociétale. Hier encore, Camille Vidal-Naquet renâclait les faubourgs parisiens au cœur de la prostitution masculine et Antoine Desrosières nous montrait ses tempéraments de feu dans A genoux les gars (Un Certain Regard), film coup de poing, foutraque à souhait mais ô combien salvateur dans une France d’aujourd’hui laissant la parole à la défense celles des filles des quartiers parties dans un revenge movie à m-chemin entre Les Beaux Gosses et La Cité de Dieu.
Aujourd’hui c’est Jean-Bernard Marlin pour son premier long métrage. Un projet passé et primé par la Fondation GAN (Lauréat 2017) après son Ours d’Or du court décroché en 2013 avec La Fugue. Distribué par Ad Vitam et tourné à Marseille, Shéhérazade conserve ses thèmes et son style de prédilection : un casting presque exclusivement composé de non-professionnels et un style documentaire réaliste pour témoigner au plus juste de la détresse d’une certaine jeunesse laissée en état quasi-sauvage à quelques mètres des beaux quartiers.
Shéhérazade (et Zac), nos Marius et Jeannette des temps modernes. Car si l’héroïne donne son nom au titre du film, c’est davantage Zac, le magnétique Dylan Robert, qui tient l’intrigue sur ses épaules de caïd en herbe. Jeune en déshérence, il sort de prison et s’échappe de son foyer d’accueil pour vivre sa vie quel qu’en soit le prix à payer.
Shéhérazade c’est surtout un film sur Marseille comme on ne l’a sans doute jamais vu sur grand écran. Loin des clichés, des Taxi 5 et autre feuilleton quotidien à l’eau de rose. Le film de Jean-Bernard Marlin rend grâce à la cité phocéenne. Une ville à nulle autre pareille où les pires crapules paraissent sympathiques, où les « quartiers sont en pleine ville pas relégués au-delà d’une zone de distance de sécurité. Marlin a trouvé avec ses acteurs une faune authentique, ces jeunes que l’on croise en bas de chez soi, à la sortie du tram, à la plage ou sur le port.
Ce n’est pas juste une évocation sociétale d’une jeunesse à la dérive qui ne trouve plus que dans la prostitution le moyen de (sur)vivre. Le film passionne par aussi par un récit précis et haletant.
On peut reprocher parfois à un Kechiche de tout miser sur l’humeur de ces personnages. Chez Jean-Bernard Marlin, le réel se confond avec une fougueuse histoire d’amour où les insultes veulent dire je t’aime et les barrettes de chichon sont des valeurs refuges. Wesh le sang ! Gros t’es déter ou quoi ? Révise quand même un peu ton marseillais avant de venir gros sinon tu vas serrer sur le Coran, tu vas serrer. Un film tarpin bien.