Le numéro 1 de notre liste des 100 films pour Cannes dévoilée début avril a convaincu la Croisette.
Cannes 2019 (compétition). Dévoilé en avant-première en mars en Espagne (une sortie nationale dans le pays d’origine est autorisé par le règlement), le nouveau Almodovar arrivait à Cannes avec une rumeur des plus laudatives. Le réalisateur ibérique y signe un retour au sommet dans un film-testament d’une oeuvre immense. La tentation est belle de lui décerner la Palme pour un de ses grands films.
Salvador Mallo, un réalisateur en souffrance, fait une série de retrouvailles. Certaines en chair et en os, d’autres par le souvenir. Son enfance dans les années 60 quand, en quête de prospérité, il émigre avec ses parents à un village de la région de Valence; le premier désir; son premier amour d’adulte dans le Madrid des années 80 et la douleur de la rupture de cet amour encore vif et palpitant; l’écriture comme unique thérapie pour oublier l’inoubliable; la découverte précoce du cinéma; et l’insondable vide face à l’incapacité de continuer à tourner. En retrouvant son passé, Salvador ressent le besoin pressant de le raconter et c’est grâce à ce besoin qu’il trouve son salut.
Fidèle de compétition cannoise parmi les fidèles, Pedro Almodovar n’est pas rancunier tant ses dernières expériences de palmarès semi-ratés (ses actrices elles ont beaucoup connu de lauriers) l’ont meurtri.
Avec Douleur et Gloire, finis les doubles féminins pour essayer de se cacher, Almodovar se trouve un double en la personne d’Antonio Banderas et fait le point sur sa vie, un bilan de sexagénaire comblé qui a parcouru l’époque et marqué de son empreinte l’art cinématographique espagnol et mondial.
D’une sérénité des grands seigneurs, « ce Salvador Mallo ce pourrait très bien être moi » s’amuse-t-il à raconter. C’est peut-être moins drôle qu’avant, moins fantaisiste aussi mais l’heure est plus grave. Il y évoque encore et toujours ses années franquistes, filme dans des flash-backs d’une beauté saisissante son enfance avec sa mère, avec Penelope Cruz au charme Volver-ien.
Ce n’est peut-être pas notre Palme mais c’est un grand Almodovar qui se permet le luxe de citer deux des grands artistes visuels contemporains, Dimitris Papaioannou et Jan Fabre, et se met aussi à lire du Eric Vuillard. Que de bonnes influences. Attention à ce que Banderas ne lui vole pas la vedette au soir du palmarès. C’est bien probable.