Avec Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma signe un film politique, suave et féministe. Son plus grand à ce jour. Pour la première fois en compétition.
Cannes 2019 (compétition). Elle fait partie de ces « bébés cannois ». Après son premier film présenté en 2007 en sélection officielle (un certain regard), Naissance des pieuvres (déjà avec Adèle Haenel) que de chemin parcouru. Elle a pris le temps depuis Bande de filles. Cinq années à préparer ce projet ambitieux (pendant lesquelles elles a beaucoup travaillé et écrit pour d’autres, Ma Vie de Courgette c’était elle au scénario), celui de conter l’histoire d’un amour impossible, au 18e siècle entre deux femmes. Un grand film en costumes qui prend le temps de s’appesantir sur les mots, la rencontre, un désir physique, intellectuel et charnel tout en délicatesse.
En plein 18e siècle, Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.
Pourfendeuses du mouvement 50/50, le duo Sciamma-Haenel racontait en conférence de presse le passionnant le dialogue instauré entre elles à la préparation de ce projet, Céline Sciamma n’hésitant pas parler de « co-mise en scène ». Il était d’ailleurs frappant de voir toute l’équipe du film, de la directrice de la photo en passant par la productrice et bien sûr les actrices, un parterre féminin impressionnant toutes à l’unisson dans un même but.
Mais le film est aussi et surtout l’éclosion d’un talent immense, l’actrice Noémie Merlant. On doutait avant ce Festival qu’elle serait sans doute l’une des reines 2019. On l’avait d’ailleurs évoqué dans la liste des 100 films pour Cannes, elle qui était à l’affiche d’un des postulants finalement absents des sélections (le belge Jumbo de Zoé Wittock), elle fulmine dans Portrait de la jeune fille en feu, complément parfait du duo indissociable Haenel-Sciamma.
Comme libérées de toutes les contraintes sociales et sociales, les femmes prennent le pouvoir. Le film en est le témoin, sans l’ombre d’un homme ou d’une once de patriarcat castrateur, Portrait de la jeune fille est aussi et surtout d’une grande exigence formelle à l’aise autant en extérieur sur les belles côtes normandes que dans ces intérieures feutrées des hauts lieux bourgeois du 18e siècle. These girls are on fire !