Entre une pièce de théâtre et un opéra, Christophe Honoré a pris le temps cet hiver de mettre en boîte son 12e long métrage. Encore une réussite.
Cannes 2019 (compétition). Sans trop de bruit, Christophe Honoré construit pas à pas une des œuvres les plus passionnantes de son temps. Aussi à l’aise dans l’écriture, la mise en scène, sur scène, ou sur les plateaux de cinéma, lui qui était en compétition l’an dernier avec Plaire, aimer et courir vite, a surpris son monde (absent de la liste des 100 films pour Cannes ne pensant jamais qu’il serait prêt à temps) en intégrant la sélection Un Certain Regard. Aux côtés de Bruno Dumont ou Albert Serra, Honoré fait partie de ces grands noms présents à Debussy cette année.
Après 20 ans de mariage, Maria décide de quitter le domicile conjugal. Une nuit, elle part s’installer dans la chambre 212 de l’hôtel d’en face. De là, Maria a une vue plongeante sur son appartement, son mari, son mariage. Elle se demande si elle a pris la bonne décision. Bien des personnages de sa vie ont une idée sur la question, et ils comptent le lui faire savoir.
Comme Alain Resnais, Honoré est un meneur de troupe. Il aime écrire sur mesure. En confiance, c’est encore une fois à Chiara Mastroianni qu’il a offert une partition à la mesure de son talent. Rarement on aura vu l’actrice aussi libre, drôle, joueuse. Une composition d’une rare profondeur.
Mais comme Alain Resnais aussi, Christophe Honoré est passionné de théâtre, de cet art de la dialectique et des artifices artisanaux. Chambre 212 est en cela un exemple, hommage aux grands boulevard qui ont bercé et divertit l’imaginaire de Christophe Honoré et de tant d’autres, ces pièces qui reposaient sur des icônes au nom désuet, de Jacqueline Maillan à Maria Pacôme.
Aux côtés de la reine Chiara (que l’on espère retrouver aux César l’an prochain), l’impeccable Benjamin Biolay en mari délaissé et tourmenté, Vincent Lacoste bonbon comme jamais qui trouve un peu plus d’ampleur dans son personnage, du Scarlatti Jean Ferrat dans les oreilles, de vieux et faux sosies d’Aznavour et des punchlines qui resteront, « Qui couche encore avec son cousin après 14 ans » ou encore « Alors c’est ça la belle vie ? Lesbienne en baie de Somme ? ».
Une fantaisie joyeuse comme une déclaration d’amour au cinéma en ce que cet art a d’exceptionnel où tout y est possible.