Si le Festival 2020 n’aura pas lieu, le Covid-19 n’aura pas la peau des « 100 films pour Cannes ». Foi de Godard en gilet vert.
Ce matin du jeudi 16 avril 2020 devait avoir lieu la conférence de presse de Thierry Frémaux et Pierre Lescure d’annonce de la Sélection Officielle du 73e Festival de Cannes prévu du 12 au 23 mai 2020. Toute la presse aurait dû se presser à l’UGC Normandie pour son homélie annuelle et y découvrir la cinquantaine de films qui allait garnir son lot d’espoirs de découvertes de nouveaux chefs-d’oeuvre avec sa bonne dose de newcomers.
Après une édition 2019 encore dans toutes les mémoires – avec une compétition gargantuesque avec Tarantino, Malick et Almodovar et au sommet de laquelle le triomphe planétaire de Parasite jusqu’aux Oscars a fini de parachever la main-mise de Cannes en haut de l’échiquier festivalier mondial – l’impatience était grande de recouvrer cette joute annuelle unique.
Bien malin celui qui aurait pu imaginer, au soir du 13 janvier quand le nom de Spike Lee a fuité pour endosser le rôle de président du jury 2020, le cataclysme qui allait secouer la planète toute entière, le cinéma en particulier et la machine à rêves cannoise tellement bien huilée. Pas même un Roland Emmerich en grande forme aurait pu soupçonner l’onde de choc que le monde allait vivre.
Il y a encore quelques semaines – cela paraît une éternité – la Berlinale se passait sans trop de dommages. Quelques contrôles supplémentaires, et encore, mais le premier Festival sous l’égide du locarnien Carlo Chatrian se passait sans encombre, voire dans une relative indifférence générale. Sans grand coups d’éclats flagrants. Comme souvent, les yeux de février se tournaient vers le mois de mai et la profession aiguisait ses armes avant d’en découdre sauvagement pour trouver une place dorée sur la Croisette.
La Menace fantôme
En quelques jours le climat changeait. Quand l’épidémie de Covid-19 s’est précisée et s’est abattue début mars sur l’Europe occidentale, les instances cannoises ont d’abord longtemps semblé vouloir afficher une confiance de façade. Même les limitations de rassemblements en France à plus de 5 000 personnes (puis très vite à plus de 1 000) n’ont pas eu l’air d’émouvoir l’Officielle. On trouverait des solutions. On s’adapterait. Ce n’est qu’à partir des mesures de confinement les plus strictes mi-mars que l’idée d’abord d’un report au début de l’été (du 23 juin au 4 juillet) a été annoncée le 19 mars. Un peu à la manière de la Fédé française de tennis déplaçant unilatéralement le tournoi de Roland-Garros à l’automne sans même s’en référer aux instances internationales ni à ses homologues du Grand Chelem, le plus grand Festival de cinéma au monde se déclarait prêt à accueillir le monde du cinéma aux premières heures de l’été. Même si l’annonce a pu faire grincer quelques dents, d’Annecy à La Rochelle pour ne citer qu’elles, cette solution avait l’avantage de paraître la moins pire de toutes. Ne serait-ce que le début d’un commencement de la queue d’un espoir de voir exister un #Cannes2020, cela suffisait à combler réalisateurs, producteurs, vendeurs, distributeurs, exploitants, cinéphiles, hôteliers, restaurateurs et loueurs Airbnb de tous poils à Cannes.
Parallèles en péril
Autant le Festival de Cannes dit «officiel » avait fort à perdre avec le spectre d’une annulation pure et simple. Que dire pour les sections parallèles – Quinzaine, Semaine ou ACID – dont l’éco-système tout entier dépend quasi exclusivement des retombées de l’événement cannois, toutes suspendues à la décision complexe de MM. Frémaux et Lescure de maintenir ou non. L’annulation entraînerait certainement des pertes sèches de plusieurs dizaines de millions d’euros dont ces « petites » structures auraient certainement beaucoup de mal à se relever surtout si la décision venait à trop tarder. Mais dans le même temps, maintenir une édition fin juin dans un environnement mondial sanitaire aussi instable avec la certitude de sélections amputées dans les grandes largeurs, sans asiatiques ni américains a minima, les parallèles n’en seraient pas sorties indemnes non plus.
Avant même d’attendre le couperet macronien, Thierry Frémaux a beaucoup sondé. Pourquoi ne pas envisager simplement, tout comme le tennis mondial a l’air de s’y résoudre, l’idée d’une saison blanche sans aucun festivals en 2020. Une sorte de paix des braves à la Pyrrhus qui cristalliserait les productions prêtes et celles à l’arrêt, et laisserait le temps à chacun pour la reconquête. Le parallèle avec le tennis ne s’arrête pas là. Deux univers intimement liés à leur internationalisation avec ses Festivals de catégorie A (Berlin, Cannes, Venise) qui sont autant de grand chelem du cinéma d’auteur. De grands événements qui ne peuvent pas se passer d’une organisation stricte et secure avec des interlocuteurs et des intervenants sur tous les continents.
La résilience selon Cannes
Au soir de l’allocution présidentielle du 13 mars dernier, la sentence tombe. Interdiction est faite jusqu’à mi-juillet d’organiser tout grand événement de masse en France. Exit l’option des dates de report initiales. Et si bon nombre de festivals ont embrayé le pas présidentiel pour annoncer une annulation pure et simple et donner rendez-vous en 2021 (Avignon, les Nuits de Fourvière, le FEMA et les Francofolies à La Rochelle, pour ne citer qu’eux), Cannes a tardé pour prendre position publiquement. Finalement c’est par un communiqué impliquant exceptionnellement les sections parallèles que le Festival actait le fait qu’il devenait « difficile de penser que le Festival puisse être organisé sous sa forme initiale » mais qu’il allait dans le même temps « continuer à étudier l’ensemble des éventualités permettant d’accompagner l’année cinéma en faisant exister les films de Cannes 2020 d’une manière ou d’une autre ». C’est à Variety que Thierry Frémaux a tenté d’expliciter les premières pistes de cet « accompagnement » avec l’idée d’un label « Cannes 2020 » (toutes sélections confondues), une alliance de circonstance avec la Mostra de Venise en septembre et aussi l’idée d’une série de premières mondiales de films #cannes2020 à l’occasion du Festival Lumière à Lyon en octobre prochain.
Tout ceci étant dit, ce n’est pas la distanciation sociale qui nous empêchera de rêver, discuter, envisager le cinéma et les films qui, un jour ou l’autre, se dévoileront à Cannes ou ailleurs.
On n’a que trop peu parlé des films qui devaient garnir nos rayons sur la Croisette après toutes ces semaines de palabres en tout genre et ces millions de néo-épidémiologistes auto-proclamés. Il est temps d’y remédier. Mieux que la chloroquine, un traitement via les 100 films pour Cannes s’impose, par dose quotidienne du 20 au 25 avril.
Les 100 films pour Cannes 2020, comment ça marche ?
Du 20 au 25 avril, retrouvez sur wask.fr un nouvel épisode chaque jour avec 20 films dévoilés quotidiennement du numéro 100 au numéro 1. En prime un petit point côté stats 2020 : 39 nationalités différentes, 29 premiers films et 37 réalisatrices. Pas moins.
Comme l’a dit si justement Regine Vial (Les Films du Losange) dans Télérama, « Cannes est le lieu de l’émotion collective, des passions partagées. Rien de mieux pour transmettre à tout le monde, partout, l’amour du cinéma ».
Cannes, reviens-nous vite.
Thomas GASTALDI
Merci Thomas,
Can’t wait the 20th of April !