Après les hommages des César en février, le couple Bardem-Cruz ouvre le 71e Festival de Cannes dans le nouveau film d’Asghar Farhadi
Cannes 2018 (compétition). Pouvait-il en être autrement ? Un distributeur propose au Festival de Cannes le nouveau film d’un réalisateur multi-récompensé avec l’un des couples les plus glamour de la planète cinéma actuel. Comment refuser telle ouverture pour son plus grand festival de cinéma au monde ? Et bingo. Memento décroche la timbale. Le film est même adoubé en compétition, fait assez rare à une telle place d’introduction. Todo va bene comme on dit en iranien.
Laura est partie vivre en Argentine avec son mari. Elle a deux enfants, une jeune adolescente et un petit garçon bouclé. Elle revient seule avec sa fille et son fils pour le mariage de sa soeur dans son Espagne natale. Rien n’y a bougé. Le clocher au milieu du village. Son ex-amour de jeunesse, vignoble et notable pur sangria. Tout est là. Quand soudain Irene son aînée disparaît au cœur de la nuit de noces, le chateau de cartes s’effondre. La première demi-heure du film étonnamment carte postale vire au drame tendance Faîtes entrer l’accusé mais point de Nordal Lelandais dans le coin -on pense forcément à l’affaire Maëlys- ça en est même assez troublant. Les visages de ces acteurs tout puissants en sur-jeu total pendant une très longue introduction se figent. Méthode poker face. Penelope pleure beaucoup. Javier fait sa tête des mauvais jours. Et commence alors une très longue et pénible enquête classique. L’impression d’avoir vu cela mille fois avant et bien mieux raconté. Impossible de ne pas penser à deux chefs-d’oeuvre du genre, Mystic River de Clint Eastwood et Caché de Michael Haneke. Deux films aussi en compétition à Cannes à l’époque avec des scénarios et des mises en scène autrement plus passionnants.
Il ne faudrait pas qu’Asghar Fahradi entame une carrière de globe-trotter plat et paresseux, déclinant de grosses ficelles de scripts pays par pays. Farhadi en Espagne après Farhadi à Paris. N’est pas les Charlots qui veut monsieur Asghar !
Certes, mais déjà au cœur de l’hiver les premiers bruissements venus d’Espagne ne disaient rien qui vaille. Asghar Farhadi ne parle pas espagnol et aurait eu du mal à diriger ses tempéraments ibériques sur le tournage (Penelope Cruz, Javier Bardem et l’argentin Ricardo Darin). Farhadi semblant bien vouloir transposer ses lubies passées (des secrets, des familles, des secrets de famille) à l’humeur des Cruz-Bardem.
On passera assez vite sur la gêne occasionnée par senora Cruz, mère courage et lacrymale au maquillage waterproof quasi permanent ou le manque de relief abyssal du personnage de Ricardo Darin. On aurait tendance à ne sauver que l’ami Javier Bardem, pour une fois dirons-nous. Il faut dire que sa dernière venue à Cannes reste encore dans toutes les mémoires chez Sean Penn dans The Last Face.