Jeudi 20, vendredi 21 mai,
Ca y est, c’est lancé, il reste deux jours, mais bon il fallait bien que ça démarre un jour quand même… mieux vaut tard que jamais. Deux premiers films postulants à la Caméra d’Or se sont dégagés ce jeudi 20 alors que vendredi 21 mai a vu la Croisette en véritable état de siège, sur fond polémique, RG, et querelles nationalistes, un vrai scénario d’espionnage. De toute façon on s’en contrefout, on a vu la future Palme, sisi !
Lung Boonme Raluek Chat (Oncle Boonmee, celui qui se souvenait de ses vies antérieures) de Apichatpong Weerasethakul.
Le chouchou thaïlandais de la critique revient en compétition et émerveille une sélection atone. On ne pourra pas dire qu’il se sera embarrassé d’un scénario alambiqué. On suit l’oncle Boonmee dans un voyage onirique d’une beauté saisissante où, pêle-mêle, se croiseront les résurgences de ses proches disparus et ses vies antérieures. Car cette odyssée dans la moiteur de la jungle thaïe, chère au réalisateur de Blissfully Yours (Un Certain Regard, 2002) et Tropical Malady (Prix du Jury, 2004), nous fera tour à tour croiser une princesse éprise autant de son serviteur que d’un poisson-chat divinatoire (!), des hommes-singes aux yeux rougeâtres, une vache sacrée libérée, des fantômes,… Un travail sur les bruits, la nature livrée à elle-même, la lumière qui devient hypnotique quand elle se laisse soudain obstruée par les voiles princiers ou les moustiquaires domestiques. On a rien vu de tel depuis 10 jours, c’est certain; depuis des années, c’est probable. Au sommet du palmarès dimanche, espérons-le.
Fair Game de Doug Liman
Le seul film américain de la compétition est un film d’espionnage. Comme à son habitude, les studios US s’emparent d’un sujet politique récent – l’administration Bush face aux preuves d’existence de programmes irakiens d’armes de destruction massive – c’est Doug Liman qui est aux commandes (La Mémoire dans la Peau, Mr & Mrs Smith) entouré d’un casting trois étoiles, Naomi Watts et Sean Penn. Le président du jury cannois en 2008, qui a brillé par son absence ce jeudi, s’évertue à enfiler son habit de rebelle cadré (comme dans L’Interprète, 2005), le diplomate américain, seul contre tous. Pour cela, il se marie à merveille avec son épouse à l’écran, Naomi Watts, qui, pour le coup, surprend et étonne. Absolument rien de surprenant dans cette intrigue méta-politique; les gros méchants se nomment Dick Cheney & Karl Rove, mais on commence à en avoir l’habitude. De bonne facture, voilà tout.
Hors la loi de Rachid Bouchareb
Les Indigènes ont grandi. Ils ont égaré au passage le perdu Sami Nacéri. De 1945 à 1962, Rachid Bouchareb a décidé de relater l’Algérie d’après la Seconde Guerre Mondiale, de Sétif au Métro Charonne, de la Libération à Evian. Et le réalisateur algérien ne nous épargne rien. Les trois « frères » – Jamel Debouzze, Roschdy Zem, Sami Bouajila – représente à eux trois toutes les inquiétudes du peuple colonisé; l’un a décidé de s’émanciper dans cette France hostile, quand l’autre prend la tête du FLN parisien, et bien sûr le troisième navigue entre ces deux eaux. Les clichés enfilés comme des perles côtoient des scènes brillantes (ouverture à Sétif). Le film, produit par Tarek Ben Ammar et Jamel himself, souffre de pauvres dialogues et d’une direction d’acteurs inexistante. Quand Assayas fait du cinéma pour la télévision (Carlos), Bouchareb semble, lui, faire de la télévision pour le cinéma, on verrait bien ce Hors la Loi dans un diptyque automnal sur France Télévisions suivi d’un débat d’Yves Calvi. La présentation du film ce vendredi, aura au moins eu l’intérêt de faire balader toutes les compagnies de gardes-mobiles de la région PACA dans un contexte de polémique sur-vendu.
En bref
Deux très bons premiers films, Simon Werner a disparu… du français Fabrice Gobert du côté Un Certain Regard, un teen-movie à la française dans une construction à la Elephant, comme si Gus Van Sant avait rencontré Riad Sattouf (dixit Eric Vernay dans Fluctuat); Gobert, au casting impressionnant pour un premier long – Agnès Godard en chef op’ et Sonic Youth à la compo musicale, excusez du peu – aura eu l’intelligence de planter l’action au début des années 90, un contexte délicieusement anachronique. Et Picco de l’allemand Philip Koch à la Quinzaine des Réalisateurs, un huis-clos ultra violent dans un centre pénitencier pour jeunes délinquants. Une mise en scène au cordeau.
Sinon, l’italien en compétition, La Nostra Vita de Daniele Luchetti, a déjà été oublié 24h après la projection (malgré 20 premières minutes intéressantes). Je serai italien, je laisserai les histoires de deuil à Nanni Moretti personnellement.
Pour clore cette cinquième chronique cannoise, je me rappellerai longtemps de ce que Frédéric Boyer, le délégué général de la Quinzaine, annonçait lors de la conférence de presse d’annonce de sélection le 20 avril dernier à propos d’A Alegria « le plus beau film brésilien de l’année »,… comment dire, beaucoup d’entre nous, en sortant de la projection, commençaient à se faire du souci pour la cinématographie brésilienne. Pénible, en tous points.
Je vous donne rendez-vous dimanche, peu avant l’annonce du Palmarès, pour ma dernière chronique avec quelques extra-movies vus à la dernière minute (Beauvois, Inarritu, Mikhalkov,…) et le Palmarès de WasK dévoilé, tout sauf objectif, bien sûr…
Uncle Boonmee,… de Apichatpong Weerasethakul - SO/CO
Fair Game de Doug Liman – SO/CO
Hors la loi de Rachid Bouchareb – SO/CO
La Nostra Vita de Daniele Luchetti – SO/CO
Simon Werner a disparu… de Fabrice Gobert – UCR
Picco de Philip Koch – QR
A Alegria de Marina Meliande & Felipe Bragança – QR
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