La Sélection Officielle dévoilée jeudi présage d’une 71e édition novatrice et audacieuse
Après les quarante-quatre films annoncés par Thierry Frémaux le 13 avril – et en attendant quelques ajouts et « retouches » de rigueur – la Quinzaine des Réalisateurs, la Semaine de la Critique et la sélection ACID, les trois sélections parallèles annonceront leurs films en début de semaine prochaine.
Le choix d’une compétition avant-garde face à l’offensive Netflix
Presque 2 heures de conférence de presse. Du jamais vu sous l’ère Frémaux. Il faut dire que les sujets ne manquaient pas à l’aune du 71e Festival de Cannes. Netflix, L’affaire Weinstein, la place des femmes, les selfies non grata (10 minutes interminables et affligeantes en prélude des Q&A), les nouvelles règles de projection de presse… Bref du pain béni pour des journalistes venus en masse écouter la parole de l’Evangile selon Frémaux. Le délégué général a réussi à esquiver quelques balles mais en a pris pas mal d’autres, s’imposant comme le chef de file de l’ancien monde, celui du cinéma en salles où l’on vient « vivre l’émotion du film en commun » face aux nouveaux (grands méchants) acteurs de l’industrie du film, Ted Sarangos et sa firme Netflix dans le viseur.
On aurait eu tendance à trouver cela caricatural mais les habits du « chevalier blanc » ne vont pas si mal à celui qui a avoué récemment avoir failli perdre son job en 2017 après la sélection en compétition des films [Netflix jamais distribués en France] de Bong Joon-ho et Noah Baumbach.
Même si Netflix a piqué au dernier moment l’une des cibles de Frémaux en compétition (le « Roma » de Cuaron ndlr), le métronome du plus grand festival du monde a riposté fort en présentant hier une sélection officielle audacieuse et parfois surprenante, osant mettre au ban certains grands habitués (Mike Leigh, Paolo Sorrentino, Carlos Reygadas, Naomi Kawase, Nuri Bilge). Jusqu’à présent, Cannes conservait une position de force : les films avaient besoin de Cannes et le comité de sélection n’avait qu’à se servir dans la production mondiale. Mais cette nouvelle donne change le paradigme. Netflix n’a pas besoin de Cannes. Son business n’a que faire de la chronologie des médias française. Reste à connaître la position des autres grands Festivals. D’après nos premiers éléments de réponse, Cannes risque fort de rester seul avec ses idéaux.
Du 50% Wask pour le moment
Thierry Frémaux a ainsi égréné une liste quarante-quatre films composant sa sélection officielle 2018 (avant les traditionnels compléments à venir au nombre de cinq à sept). Dans ce panorama mondial, nous en avions listé la moitié dans notre liste des 100 films pour Cannes (merci aux 5 000 lecteurs cette année) avec quelques fiertés personnelles d’avoir mentionné les films de Vanessa Filho, Meryem Benm’Barek, Gaya Jiji, Andréa Bescond et Gilles Lellouche (!), Lukas Dhont, ou la totale exclu Jafar Panahi en compétition !
Et on s’excuse encore auprès d’Antoine Desrosières pour ne pas avoir eu le nez creux de l’inclure (taquin, il nous a gentiment contacté pour nous le faire savoir). On viendra découvrir « À genoux les gars » dont les premières projections privées laissent présager qu’il sera l’un des chocs cannois cette année.
On n’égrènera pas ici la liste complète de la sélection officielle 2018 dévoilée, mais pour le moment nos plus grosses impatiences se nomment Jia Zhang-ke, Ryusuke Hamaguchi, Jafar Panahi, Lukas Dhont, Bi Gan et David Robert Mitchell.
Yann Gonzalez en ouverture Un Certain Regard
Un peu d’arithmétique. Thierry Frémaux a annoncé une liste de quarante-quatre films. Il nous en manque une dizaine pour compléter la sélection officielle (entre 53 et 57 au total ces dernières années) : 1 à 2 en Compétition, 1 à 2 Hors Compétition, 3 à 4 Un Certain Regard, 1 Séance de Minuit et 2 à 4 Séances Spéciales.
En sélection Un Certain Regard, il nous a été confirmé qu’un fauteuil est d’ores et déjà réservé pour « Un Couteau dans le Cœur » le nouveau film très attendu de Yann Gonzalez (« Les Rendez-vous d’après-midi ») avec Vanessa Paradis. Le film fera l’ouverture à Debussy le mercredi 09 mai. Encore fortement pressenti en compétition la veille de la conférence, cette prise est un joli coup pour Thierry Frémaux qui drafte ainsi une cible potentielle pour la Quinzaine et la Semaine et le place dans le même temps face à leurs ouvertures respectives. Coup de maître.
Deux pistes présentes dans notre classement à suivre pour compléter la sélection à Debussy : « Monos » de Alejandros Landes et « Tremblements » de Jayro Bustamente.
Compétition ou Hors Compétition, le gros morceau des compléments en sélection officielle -les films prévus dans la grande salle Lumière- font l’objet de grosses tractations : « High Life » de Claire Denis (un dernier visionnage du comité était prévu hier dont l’issue sera connue en début de semaine prochaine), « Suspiria » de Luca Guadagnino, « The Beach Bum » de Harmony Korine, et l’épouvantail « The House that Jack built » de Lars von Trier. Pour ce dernier et gros morceau, une proposition hors compétition aurait été catégoriquement refusée par le réalisateur de « Breaking the waves ». Il souhaite encore convaincre le délégué général de le laisser ferrailler pour la Palme, même si la présence de Cate Blanchett à la tête du jury, cheffe de file du mouvement #MeToo, nous fait dire que les dés sont pipés à l’avance.
Quinzaine : Nicolas Cage et Adjani avant Brian de Palma ?
Autre certitude, Nicolas Cage sera de retour à la Quinzaine. Après Paul Schrader, il viendra défendre le film d’horreur « Mandy » de Panos Cosmatos, l’une des grosses sensations du dernier Festival de Sundance (et une autre jolie trouvaille de notre top 100).
Pour sa dernière sélection, Edouard Waintrop aurait aussi réussi à convaincre « Le Monde est à toi » de Romain Gavras avec Karim Leklou, Isabelle Adjani, Vincent Cassel et Oulaya Amamra (« Divines »), et comme on vous l’annonçait déjà dans notre top 100 on devrait bien retrouver « Joueurs » premier long métrage de Marie Monge avec Tahar Rahim et Stacey Martin, « The Tower » du norvégien Mats Grorud, « Petra » de Jaime Rosales, et une jolie colonie latino menée par « Comprame un revolver » de Julio Hernández Cordón et « Los Silencios » de la brésilienne Beatriz Seigner.
Quinzaine toujours, après que la SRF ait réussi à convaincre Martin Scorsese de recevoir le carrosse d’or lors de la soirée d’ouverture, on se met à rêver que la Quinzaine accueille en sélection un des grands noms attendus à Cannes cette année, Brian de Palma avec son nouveau film « Domino ». Un pied de nez à l’Officielle comme au bon vieux temps de « Tetro » de Francis Ford Coppola ?
A la Semaine de la Critique, on vous avait déjà dévoilé dans notre classement que Guillaume Senez (« Keeper ») présenterait « Nos Batailles ». Invitation confirmée, sans doute en ouverture, avec Romain Duris, Laetitia Dosch, Laure Calamy et Dominique Valadié. On devrait aussi retrouver Espace Miramar le nouveau film de l’artiste portugais Gabriel Abrantes et une autre bonne pioche de notre top 100, le premier long du belge Kenneth Mercken (« Coureur »).
La sélection de la Semaine de la Critique sera dévoilée lundi 16 avril, celles de la Quinzaine des Réalisateurs et de l’ACID mardi 17 avril.