Si la pandémie a eu raison de l’édition 2020, le millésime 2021, repoussé de deux mois, veut tenir sa promesse d’être « le premier grand événement international » du monde d’après !
773 c’est le nombre de dodos entre le sacre de Parasite de Bong Joon-ho au soir d’un Festival de Cannes 2019 et l’ouverture (en)chantée promise le 6 juillet prochain par Annette, le nouveau film de Leos Carax avec Adam Driver et Marion Cotillard. Un vide insondable vécu comme une éternité par toute une industrie du cinéma d’auteur mondial orpheline de son accélérateur en chef de notoriété.
L’an dernier dans ces mêmes colonnes, je glosais moi-même sur la grande plaie cataclysmique qui s’abattait sur la planète entière aux prises avec un scénario que même le plus pervers des Roland Emmerich en grande forme n’aurait pu esquissé.
Si l’on revient sur 2020, en scrutant plus particulièrement les festivals de cinéma dits de classe A, Berlin aura réchappé miraculeusement en février aux soubresauts épidémiques, Venise dans un trou de souris covid-secure préservait l’essentiel de son édition en septembre mais dans un climat morose d’une cinéphilie masquée, et Cannes de son côté qui subissait le couroux d’Edouard Philippe, à l’instar des grandes compétitions sportives professionnelles, abandonnant au début du printemps tout espoir d’organiser un événement digne de ce nom sur la Croisette.
À tête reposée, Cannes 2020 aurait très bien pu s’imposer quelque part en juillet et septembre. On connaît la suite avec en juin une liste d’une cinquantaine de films gradés Label Cannes 2020 et un événement au Palais de quelques séances sur 3 jours en octobre pour faire comme si. Et c’est fort de cette rancœur rentrée que Thierry Frémaux s’est arrimé à l’idée que Cannes 2021 serait « quoiqu’il en coûte » le premier grand événement mondial d’ampleur post-crise.
Après une première annonce officielle selon laquelle Spike Lee revêtirait bien son habit de président du jury promis en 2020, Thierry Frémaux reprit son bâton de pèlerin reportant sine die mi-juillet (du 6 au 17) l’édition 2021 alors même que les courbes épidémiques repartaient dangereusement à la hausse en France au cœur de l’hiver hexagonal.
Cannes 2021 quoi qu’il en coûte
Un peu à la manière du tournoi de Roland-Garros en 2020, Cannes avait posé son empreinte sur la période estivale habituellement réservée à une clientèle touristique éprise de tranquillité, allant même jusqu’à ouvrir la porte à des reports « possibles jusqu’en novembre ».
Le monde du cinéma se séparait alors en deux camps. Les équipes tremblantes de La Rochelle, Karlovy Vary, Locarno ou Venise, voyant l’ombre envahissante des sélections cannoises poser leurs crocs sur la quasi-totalité des grands films prêts ou en passe de l’être en 2021. Et de l’autre une industrie appâtée par la perspective heureuse de recouvrer les ors du Palais, lorgnant amoureusement vers la date de la conférence de presse – le « Noël du métier » reporté tout récemment d’une semaine (elle aura lieu le 3 juin à l’UGC Normandie en jauge 35%) – comme le signal d’un nouvel espoir.
On se souvient comme d’un mauvais rêve de ce soir du 13 mars 2020, quand les premières sentences gouvernementales tombaient. Le temps où les épidémiologistes n’étaient pas encore des stars cathodiques et le « couvre-feu » n’était qu’un terme daté du siècle dernier. À mesure que Cannes s’éloignait, certains rentraient les épaules espérant que la foudre les épargne, d’autres y sentirent vite le temps des grandes résolutions.
Oui les cinémas allaient fermer leurs portes durablement comme jamais dans leur histoire. Oui les tournages furent interrompus même si c’est sans doute le secteur qui a le moins pâti des restrictions rétrospectivement. Oui certains réflexes de consommation culturelle allaient naturellement changer et il fallait s’y préparer. Mais une certitude faisait surface : le cinéma dit « frais » attendrait son tour ne laissant qu’à la marge quelques brebis égarées à la solde des nouveaux ogres de l’ordre mondial « essevodisé ».
À chacun son confinement
Cette période fut aussi pour certains une formidable occasion de nouer des liens tout à fait inattendus. Des acteurs du milieu jusque là inaccessibles avaient tout à coup plus de temps et sans doute aussi davantage de curiosité qu’à l’accoutumée.
Pour parler de ma petite personne, je ne vais pas cacher que les dizaines de retours enthousiastes suite à la publication jusque-boutiste des 100 films « qu’on aurait dû voir à Cannes 2020 » a joué à plein le rôle d’un pansement galvanisant. Ce fut l’occasion alors de m’engager une bonne fois pour toutes dans le grand bain du cinéma. Mes responsabilités grandissantes au service de la distribution d’un label comme Shellac n’aurait peut-être jamais pu voir le jour dans un autre contexte. Nul ne le sait.
Ce petit coup de rétro étant fait, votre serviteur s’est remis en quête du meilleur « 100 films » possible jouant des coudes à la manière d’un CannesTracker de l’extrême – plus insider que jamais – pour les bienfaits d’une liste Wask 2021 qui suintera bon le désir immense de regoûter aux joutes cannoises.
Östlund et Eggers pas prêts, Dune et Dumont en route pour la Mostra
À l’instar de Cannes, Wask aime les traditions. Pas de prologue des « 100 films pour Cannes » sans son lot de confirmations de films que l’on ne verra pas sur la Croisette (bien qu’ils garnissent les rayons de listes les plus farfelues les uns que les autres).
Inutile par exemple d’espérer Chocobar le premier film documentaire de Lucrecia Martel consacré à la culture aborigène par le prisme du portrait de l’activiste Javier Chocobar. Pas plus que Triangle of Sadness de Ruben Östlund, ni The Northman de Robert Eggers deux titres encore espérés il y a quelques semaines mais qui ne seront pas prêts au mois de juillet.
Pour continuer sur le contingent nord-américain, le sujet qui cristallise toutes les tensions et anime durablement le match Cannes-Venise, l’ouverture vénitienne promise au Dune de Denis Villeneuve est acquise alors que le Lido aussi accueillera aussi The Card Counter de Paul Schrader avec Oscar Isaac et Willem Dafoe. Même sort pour le duo Penelope Cruz/Antonio Banderas attendus à Venise dans le film Compétition Officielle du duo argentin Gaston Duprat et Mariano Cohn.
Netflix de son côté emmènera à Venise le très personnel projet de Paolo Sorrentino La Main de Dieu, tourné à Naples, avec l’incontournable Toni Servillo. Même destinée transalpine pour deux films à qui Cannes faisait les yeux doux depuis de longs mois : L’Histoire de ma femme de la réalisatrice hongroise Ildiko Enyedi avec Louis Garrel et Léa Seydoux et France le nouveau Bruno Dumont (encore Léa Seydoux) dont la sortie française vient d’être confirmée par ARP tout début septembre.
Cette première entrée française à Venise sera rejointe, d’après nos informations, par Pour le meilleur et pour le pire de Stéphane Brizé et Comédie humaine (d’après Balzac) de Xavier Giannoli qui enjoiera le Lido avec la fine fleur francophone (Cécile de France, Xavier Dolan, Gérard Depardieu, Jeanne Balibar, Vincent Lacoste et Louis-Do de Lenquesaing).
À cette première dizaine de films « vénitiens » qui ne feront pas partie de la liste Wask 2021, s’ajoutent deux films de réalisatrices d’immense talent, The Souvenir: Part II de Joanna Hogg et Petite Solange d’Axelle Ropert promis à une autre trajectoire cet été.
Pour finir, en cette année exceptionnellement fournie, j’ai fait le choix de délester la liste des trois premiers films confirmés ou presque par l’Officielle elle-même (The French Dispatch, Annette et Benedetta). Trois films du reste déjà présents sur la liste Wask 2020…
Les 100 films pour Cannes 2021, comment ça marche ?
Du 21 au 25 mai, retrouvez sur wask.fr un nouvel épisode chaque jour avec 20 films dévoilés quotidiennement du numéro 100 au numéro 1. De jolis scoops et de réelles surprises en perspective avec la promesse d’un panorama complet du cinéma d’auteur mondial.
À faire palir tous les marquis de sade.
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Thomas Gastaldi (mai 2021)