Cannes 2023 : On a vu tous les films d’ouverture
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LE PROCÈS GOLDMAN
Cédric Kahn (france) Quinzaine des Cinéastes
Pour sa première année à la tête de la Quinzaine, Julien Rejl a choisi de lancer les hostilités avec l’un des nombreux films français disponibles. Dans une sélection jugée par nombre de suiveurs comme « risquée et aventureuse », le choix porté sur Le Procès Goldman de Cédric Kahn a pu surprendre. Quitte à prendre un film français autant se faire plaisir en y cherchant bien sûr la qualité estampillée et du glam. Sans faire offense à Arieh Worthalter, Arthur Harari et Nicolas Briançon, on repassera pour le glam. Côté französische qualität par contre, Le Procès Goldman emporte quasi tous les suffrages. Au petit jeu des films d’ouverture cannois, cette évocation du deuxième procès de Pierre Goldman en novembre 1975 gagne haut la main. Dans le genre très marqué du film de procès, celui-ci fera date. Il faut se rappeler la fracture médiatico-sociale que le destin du célèbre militant d’extrême gauche a pu créer dans la France de Giscard. Condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes, Goldman clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle (Signoret et Debray en tête). Georges Kiejman, alors jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine. Alors oui si Arieh Worthalter (Girl, Douze Mille, Bowling Saturne) est un Goldman inquiétant et intense, que dire du cinéaste Arthur Harari (Onoda) beaucoup trop rare devant la caméra, totalement habité de la robe d’avocat de Kiejman. « Je ne cherchais pas nécessairement un acteur éloquent qui aurait très bien fait le job certes mais plutôt une personnalité qui imposerait naturellement son intelligence dès la première phrase prononcée » évoquait Cédric Kahn au moment de la préparation. Réussite totale.
cannes 2023 // quinzaine des cinéastes // ad vitam // sortie france le 27 septembre 2023
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LE RÈGNE ANIMAL
Thomas Cailley (france) Un Certain Regard
Un premier film révélation de Cannes en 2014 il y a presque 10 ans déjà. Les Combattants qui avait révélé au monde un cinéaste, Thomas Cailley, et la fraîchement retraitée des plateaux Adèle Haenel. Le Règne animal fait partie des films dans les tuyaux depuis un bail, quasi 5 ans de travail entre la prépa, le tournage et une énorme post-production côté vfx et effets spéciaux. Ce qui saute aux yeux c’est une ambition visuelle et formelle en tout point remarquable. Que le cinéma français puisse produire et laisser mettre au jour un tel film dans le cinéma en 2023 est une excellente nouvelle. Vraiment. Si Thomas Cailley a mis autant de temps pour (re)donner des nouvelles sur grand écran c’est qu’il a comme beaucoup répondu aux sirènes télévisuelles en commettant une série pour Arte (Ad Vitam en 2018). Le Règne animal démarre deux ans après l’apparition des premières mutations de l’homme vers l’animal. La société s’adapte, prend en charge et tente de soigner ces « créatures » dans des centres spécialisés. Mais un convoi a un accident, et les Créatures se dispersent dans la nature. C’est Romain Duris qui mène vaillamment une troupe composée de Tom Mercier (Synonymes), Adèle Exarchopoulos, Nathalie Richard et surtout, SURTOUT, Paul Kircher. L’acteur révélé chez Honoré l’an dernier (Le Lycéen) déploie tout son talent à se demander avec le petit jeu de la fabrication des films si ce n’est pas celui-ci son véritable « premier film ». Il épate et semble ne connaître aucune limite.
cannes 2023 // un certain regard // studiocanal // sortie france le 4 octobre 2023
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LAISSEZ-MOI
Maxime Rappaz (france) ACID Cannes
Après le Huppert-movie, grâce soit rendu au Balibar-movie avec cette belle surprise en ouverture ACID Cannes, Laissez-moi premier film du Genevois Maxime Rappaz. Claudine consacre toute sa vie à son fils. Toutefois, chaque mardi, elle s’offre une plage de liberté et se rend dans un hôtel de montagne pour y fréquenter des hommes de passage. Lorsque l’un d’eux décide de prolonger son séjour pour elle, Claudine en voit son quotidien bouleversé et se surprend à rêver d’une autre vie. Un portrait de femme délaissée par les partenaires de vie, cernée par les montagnes alpines et toute entière portée vers l’amour de son fils souffrant d’un fort handicap. Jeanne Balibar tient le film du début à la fin, actrice hors normes sur scène au théâtre, sur les plateaux de cinéma, à l’affût sans cesse des chemins de traverses les plus inexplorés. Elle cherche (et trouve) à chaque scène du film une émotion différente, tantôt rieuse, tantôt désespérée, tantôt charnelle. Après avoir fait les beaux jours de Lionel Baier, un nouveau cinéaste suisse à mettre sur la carte grâce à l’Acid.
cannes 2023 // acid // eurozoom // prochainement en salle
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AMA GLORIA
Marie Amachoukeli (france) Semaine de la Critique
C’est la dernière du trio à franchir le pas en solo. Marie Amachoukeli, l’une des réalisatrices de Party Girl (avec Samuel Theis et Claire Burger), s’apprête à livrer Ama Gloria. Soutenu par les partenaires historiques de Céline Sciamma côté production, la réalisatrice a écrit avec Pauline Guéna l’histoire de Cléo six ans qui aime follement sa nourrice Gloria qui l’élève depuis sa naissance. Mais Gloria doit retourner d’urgence au Cap-Vert, auprès de ses enfants. Avant son départ, Cléo lui demande de tenir une promesse : la revoir au plus vite. Gloria l’invite à venir dans sa famille et sur son île, passer un dernier été ensemble. Tirée d’une histoire très personnelle, Amachoukeli a voulu filmer un vrai mélo en essayant d’éviter de tirer trop vite la ficelle de l’émotion facile. Le plus difficile est de se départir de la partition que les deux interprètes jouent ensemble. Toutes deux pour la première fois à l’écran d’un si gros projet, c’est la désorientation du spectateur qui prévaut entre une Ilça Moreno, l’actrice capverdienne qui joue constamment low profile ou à côté et la toute jeune Louise Mauroy-Panzani, enfant-prodige à l’éloquence exceptionnelle voire hors-sujet. Le film compte beaucoup sur la confiance qui doit se jouer entre ces deux-là de manière évidente. Dommage.
cannes 2023 // semaine de la critique // pyramide // sortie france le 30 août 2023
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JEANNE DU BARRY
Maïwenn (france) Sélection Officielle – Hors Compétition
Crinière d’Edwy Plenel en bandoulière, Maïwenn est venue bomber le torse en ouverture du plus grand festival de cinéma au monde avec Jeanne Du Barry, film en costumes made in versailles. « Il me fallait un acteur qui me donne l’envie de l’embrasser pour incarner Louis XV ». Gégé Depardieu pas dispo, c’est Jojo Depp qui s’y colle. Pour incarner Maïwenn, le choix s’est vite porté sur Jeanne Du Barr… euh pardon… le portrait en creux ne fait pas de doute tant la réal se régale au fil des ITW de glorifier ce « parcours de femme qui n’en veut et ne se laisse pas faire ». Cela vaut-il le coup de faire un film à 20 millions d’euros en partie financé par des fonds saoudiens ? Certainement pas vu la guimauve gnangnan qui nous est infligé. 30 minutes à passer avec Benjamin Lavernhe pour nous raconter les us et coutumes à la cour de Louis XV à s’en taper le ventre, on peut négocier avec France2 un prime à 500k€ avec Bern et Deutsch, ça dégagera des écrans de cinéma du cinéma. Quand elle évoquait La Mort de Louis XIV de Serra dans ses inspirations inspirantes, on osait un peu la croire. Elle a forcément dû confondre la K7 avec Le Roi Soleil, le musical de nos 00’s de Dove Attia et Kamel Ouali.
cannes 2023 // hors compétition // le pacte // en salle depuis le 16 mai