Episode embarqué à Cannes 2022
01
COUPEZ !
Michel Hazanavicius (france)
hors compétition (film d’ouverture) – ★★★☆☆
La première mondiale devait avoir lieu en début d’année à Sundance. Faute d’édition physique possible à Park City chez Robert Redford, Wild Bunch et l’équipe de Michel Hazanavicius ont renoncé à y montrer Coupez ! (ex Z (comme Z) opportunément renommé suite à la préemption de la lettre « Z » par l’armée russe en Ukraine). Bien leur en a pris puisque par un heureux concours de circonstances, le film a eu l’honneur de prendre les habits dorés du film d’ouverture, Thierry Frémaux n’ayant pas pu convaincre Baz Luhrmann de reprendre son rond de serviette après Moulin Rouge! et Gatsby le magnifique. Ce fut donc le soir d’une comédie de genre pour célébrer le retour au mois de mai du Festival de Cannes trois ans après la dernière édition printanière. Remake du film culte japonais One Cut of the Dead de Shinichiro Ueda inspiré lui-même de la pièce Ghost in the Box de Ryoichi Wada, ce Coupez ! a su cocher toutes le cases. Un film d’un amoureux du cinoche, Hazanavicius (The Artist, Le Redoutable) excelle dans son rôle d’artisan du cinéma avec un terrain de jeu parfait dans ce film en trois parties. Une première où l’on voit le montage final du film tourné par la petite équipe menée par Romain Duris (le réalisateur). Une deuxième qui suit directement la première pour en quelque sorte débriefer ce que l’on vient de voir et se familiariser avec tous les personnages. Et enfin une troisième – clairement jubilatoire – ou l’on revit le tournage (du film vu en première partie) avec TOUS les aléas du direct. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, Romain Duris, Bérénice Béjo, Gregory Gadebois, Finnegan Oldfield, Matilda Lutz, Sébastien Chassagne, Raphaël Quenard, Lyes Salem, Simone Hazanavicius, Luana Bajrami, et une mention spéciale pour le drôlatique Jean-Pascal Zadi en ingénieur du son désemparé. Du grand art.
02
WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD
Jesse Eisenberg (états-unis) 1er film
semaine de la critique (film d’ouverture) – ★★★☆☆
Pour l’ouverture de sa première sélection à la tête de la Semaine de la Critique, la nouvelle DG Ava Cahen et son comité ont jeté son dévolu sur une valeur sûre, le bon petit film indé américain à casting ronflant et belles références. Pour jouer le rôle, When You Finish Saving The World, premier film derrière la caméra de l’acteur Jesse Eisenberg (éternel Mark Zuckerberg dans The Social Network de David Fincher). Une comédie douce-amère facilement identifié du côté de la famille de cinéma de Noah Baumbach. On est dans une petite bourgade sans relief des Etats-Unis en plein cœur de la middle class US à suivre un duo mère-fils très très fort : Julianne Moore et la révélation Finn Wolfhard, une sorte de Ezra Miller au grand cœur parfait en ado apprenti rockstar sur Youtube.
03
ALMA VIVA
Cristèle Alves Meira (portugal) 1er film
semaine de la critique – ★☆☆☆☆
L’émotion était palpable au matin de la première présentation espace Miramar pour la néo-déléguée générale de la Semaine de la Critique Ava Cahen. Ajoutée à celle de la réalisatrice franco-portugaise Cristèle Alves Meira venue en famille sur scène avec son amoureux et sa fille, Lua Michel jeune héroïne charismatique de ce premier film de la compétition de la Semaine. La magie et les fantômes le temps d’un été au village au Portugal où comme chaque année, la petite Salomé retrouve sa famille lusitanienne, niché au creux des montagnes du Nord du pays (peu filmées au cinéma), le temps des vacances. Tandis que celles-ci commencent dans l’insouciance, sa grand-mère adorée meurt subitement. Alors que les adultes se déchirent au sujet des obsèques, Salomé est hantée par l’esprit de celle que l’on considérait comme une sorcière.
04
TIRAILLEURS
Mathieu Vadepied (france)
un certain regard (film d’ouverture) – ★☆☆☆☆
C’était l’une des surprises des compléments annoncés en sélection officielle. La Gaumont réussissait à placer Tirailleurs, projet porté sur les larges épaules de notre superstar Omar Sy avec Mathieu Vadepied le showrunner en chef et réalisateur d’une grande partie de la première saison de la série En Thérapie. Sans soulever un élan d’originalité, le film a le grand mérite de réveiller les consciences et mettre en lumière le sort épris d’injustice infligé à ces tirailleurs sénégalais dans les rangs français lors de la Première Guerre Mondiale. On est en 1917 et Bakary Diallo s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno, son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au coeur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary (impeccable Omar Sy en sénégalais dans le texte pendant tout le film) va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf.
05
LES HUIT MONTAGNES
Charlotte Vandermeersch, Felix Van Groeningen (Belgique)
compétition – ☆☆☆☆☆
La compétition démarre « timidement » pour rester poli. Tant le film, tourné à 4 mains par le couple à la ville Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen (La Merditude des Choses, Alabama Monroe) prend les attraits d’une guimauve boursouflée de bons sentiments. Alors oui les paysages sont beaux, très beaux, tout là-haut dans la verdure des hauts alpages transalpins. L’herbe y est bien verte et la couche de neige bien épaisse l’hiver. Les Huit Montagnes, c’est l’histoire d’une amitié. Celle d’enfants, devenant des hommes, interprétés par le duo star italien Luca Marinelli et Alessandro Borghi, qui tentent de ne pas marcher dans les pas de leurs pères, mais qui, à travers les chemins qu’ils prennent, finissent toujours par revenir chez eux. Pietro est un garçon de la ville, Bruno est le dernier enfant d’un village de montagne oublié de tous. Au fil des années, Bruno reste fidèle à sa montagne, tandis que Pietro est celui qui vient et repart. Leurs expériences leur font connaître l’amour et la perte, leur rappelant leurs origines et laissant leurs destins se dérouler, alors que Pietro et Bruno découvrent ce que signifie l’amitié éternelle. Pour couronner le tout, la (belle) voix off de Luca Marinelli (celle-là même qui magnifiait les images de Pietro Marcello dans Martin Eden), devient ici lancinante et soporifique à la limite du supportable.
06
LA FEMME DE TCHAÏKOVSKI
Kirill Serebrennikov (Russie)
compétition – ★★★★☆
Le titre ne nous y trompe pas, nous sommes bien en Russie au 19ème siècle. Antonina Miliukova est jeune femme aisée et brillante, qui épouse le compositeur Piotr illitch Tchaïkovski. Mais l’amour qu’elle lui porte tourne à l’obsession et la jeune femme est violemment rejetée. Consumée par ses sentiments, Antonina accepte de tout endurer pour rester auprès de lui. Voici posé le cadre du nouveau film de la star russe de la mise en scène (théâtre et cinéma) Kirill Serebrennikov. Pour sa troisième sélection en compétition de rang (après Leto et La Fièvre de Petrov), certains pourront se plaindre que le réalisateur s’est assagi. D’autres dont je suis s’y plairont dans une certaine forme de minimalisme… enfin un minimalisme à la sauce Serebrennikov, opératique, chorégraphiée, époustouflant d’inventivités avec en prime ici la révélation d’un actrice exceptionnelle Aliona Mikhaïlova, dans un rôle d’épouse sacrificielle, très solide candidate au prix d’interprétation. Cerise sur la pavlova – finies les visios à distance en conférence de presse – 2022 signa aussi la première année au cours de laquelle le réalisateur russe, longtemps assigné à résidence, put fouler et monter les marches jusqu’au Grand Théâtre Lumière pour accompagner jusqu’au bout la sélection du film.
07
LES HARKIS
Philippe Faucon (france)
quinzaine des réalisateurs – ★★★☆☆
Le réalisateur français poursuit son exploration des sujets mémoriaux de la France du XXème siècle, ceux restés sous le tapis ou pire utilisés et/ou déformés à des fins d’opportunisme électoraliste. Quand il parle discrimination, devoir de mémoire, immigration, post-colonianisme, Faucon lui y amène toujours l’intelligence d’un filmeur à taille d’homme, éloigné de tout manichéisme. Un cinéma sans figures d’expressionnisme imposées qui sait faire surgir les interrogations et donne toute sa place à l’intelligence du spectateur. Dans Les Harkis direction l’Algérie en guerre à la fin des années 1950, quand le conflit n’en finit plus de se prolonger et de se durcir. Salah, Kaddour et d’autres jeunes Algériens sans ressources rejoignent l’armée française, en tant que harkis. À leur tête, le lieutenant Pascal. L’issue du conflit laisse prévoir l’indépendance prochaine de l’Algérie. Le sort des harkis paraît très incertain. Pascal s’oppose à sa hiérarchie pour obtenir le rapatriement en France de tous les hommes de son unité.