Si Coralie Forgeat a fait son effet, et Sean Baker et Payal Kapadia ont embarqué la Croisette, l’Iranien Mohammad Rasoulof est l’immense favori pour la Palme d’or
Rarement au matin de l’annonce du palmarès, un film a semblé dominé à ce point les pronostics. La projection, le dernier jour, du film Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof a tout emporté sur son passage. La faut à aucune compétition historiquement faible ? Sans doute. Le temps fera son office mais l’impression est là. Le film de l’Iranien vole à des dizaines de mètres au-dessus de la grande majorité des films de la compétition 2024. Si l’on rajoute à cela le storytelling clé en main de l’exil forcé de Rasoulof en fuite depuis hors de son pays depuis sa condamnation, la fin de l’histoire du 77ème Festival de Cannes est toute tracée.
Rasoulof ultra favori, un trio Audiard-Kapadia-Baker en outsider
Il faut dire que Les Graines du figuier sauvage est de la trempe des 5 ou 6 grandes oeuvres de cinéma que l’on a l’habitude de voir chaque année. Chronique féroce du pouvoir en place associée à un polar intra-familial intense, le film de l’Iranien mêle des scènes tournées dans un appartement, quelques voitures et un final dans une région reculée, avec l’insert de stories captées sur les réseaux sociaux pendant les exactions du régime pendant les grandes manifestations étudiantes. Même si les gros outsiders Anora de Sean Baker, Emilia Perez de Jacques Audiard, et surtout All We Imagine As Light de Payal Kapadia, tous les trois dans le haut du panier de la compétition cette année, peuvent garder espoir pour le palmarès, ils semblent devoir se résigner à se partager les places d’honneur.
Avant de refermer le chapitre 2024 de Cannes, quelques derniers mots sur la compétition avec les films de Coralie Fargeat, Sean Baker et Ali Abbasi.
THE SUBSTANCE
Coralie Fargeat (Fra) Compétition
Au tournant du week-end, la compétition a pris un relief particulier. Après la (bonne) surprise Audiard et son Emilia Perez, c’est la présentation de The Substance, deuxième film américain de la Française Coralie Fargeat, qui a secoué la Croisette. Embarquant avec elle Margaret Qualley, Dennis Quaid et surtout Demi Moore, de retour au premier plan, le film aux allures iconoclastes d’un « body horror féministe & monstro-gore » n’a pas manqué à la réputation qui le précédait. Draguant avec lui des litres et des litres de sang, cette variation sur le thème éculé des actrices en fin de parcours et des corps féminins qui n’ont aucune latitude face au vieillissement et le diktat du jeunisme, est une réussite clinique. Avez-vous déjà rêvé d’une meilleure version de vous-même ? C’est ce que Elisabeth Sparkle, vieille gloire cantonnée qui essaie de sauver sa dernière fenêtre sur la célébrité avec son Gym Tonic désué. Un nouveau produit serait la solution à tous ses problèmes : The Substance. Son deal ? Avec The Substance, vous pouvez générer une autre version de vous-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite… Il suffit de partager le temps. Une semaine pour l’une, une semaine pour l’autre. Un équilibre parfait de sept jours. Facile n’est-ce pas ? Si vous respectez les instructions, qu’est ce qui pourrait mal tourner ? Comment dire que les choses ne vont pas se passer tout à fait comme prévu…
cannes 2024 // compétition // metropolitan // prochainement en salle
ANORA
Sean Baker (US) Compétition
Anora, jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe. Après Red Rocket, l’Américain Sean Baker retrouve un nouveau fauteuil en compétition avec Anora. Alors que Red Rocket avait était passé un peu sous silence lors de son passage à Cannes, le vrombissement qu’a suivi la présentation de Anora est l’un des plus forts entendus jusqu’alors. Le film, sorte de roller-coaster infernal tout à la fois tendre, hilarant et profond, vire en tête au tableau de notes de la presse française et internationale. Avec Mikey Madison en travailleuse du sexe sans complexe sans peur ni reproches, Baker dresse un nouveau portrait des marginaux héroïques. Ce projet accompagné aux Etats-Unis par la puissante équipe de Neon (et Le Pacte en France) n’a pas l’intention de partir bredouille du palmarès. On en serait surpris aussi !
cannes 2024 // compétition // le pacte // prochainement en salle
THE APPRENTICE
Ali Abbasi (Dan) Compétition
Pour être tout à fait honnête, le tournage extrêmement tardif du 4e film de Ali Abbasi (Border) avait semé le trouble sur sa capacité à s’immiscer dans une sélection de festival au premier semestre 2024. Absent de la liste Wask des 100 films pour Cannes, le premier projet américain du réalisateur est une véritable plongée dans les arcanes de l’empire américain au moment des jeunes années de Donald Trump. Pile au moment où il commence à reprendre les affaires de papa pour en bâtir son immense fortune. Le film se concentre sur sa rencontre déterminante avec l’avocat d’affaires Roy Cohn. Avec un traitement très « eighties » (DA, photo, montage), The Apprentice est surtout un grand numéro de duettiste : Sebastian Stan bluffant dans le costume de Donald Trump, dans un formidable numéro de cruauté progressive, et face à lui l’immense Jeremy Strong (Kendall Roy dans Succession) alias Roy Cohn à qui l’on promet d’avance l’Oscar du meilleur second rôle. Si l’on voit beaucoup de films américains qui mettent à l’écran tous les moyens et même plus, dont ils disposent pour épater le client, The Apprentice a manqué lui certainement de quelques millions supplémentaires (et de temps aussi) pour parfaire un vrai grand film malade et contaminé par le tournant des années Reagan.
cannes 2024 // compétition // metropolitan // prochainement en salle