Sans être le temple de la gaudriole, Cannes réserve chaque année son lot de comédies inattendues.
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LE LIVRE DES SOLUTIONS
Michel Gondry (france) Quinzaine des Cinéastes
C’est sans doute le nom le plus ronflant de la sélection de la Quinzaine cette année. Michel Gondry revient à Cannes avec Le Livre des solutions, comédie dépressive sous forme d’auto-fiction avec un double du réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind et Be Kind Rewind trouvé en la personne de Pierre Niney. « J’avais été hyper flatté qu’il accepte d’être mon parrain lors de la cérémonie des révélations aux César il y a quelques années ». Quand Gondry l’a appelé pour jouer son alter ego dans le film, son sang n’a fait qu’un tour. Un choix plus que judicieux tant le one-man-show que le chouchou du cinéma français nous gratifie est total. Avec quelques scènes épiques, la direction d’orchestre et le camiontage notamment. Et ce n’est ni Eric ni Ramzy présents, et emballés, lors de la projection officielle qui nous diront le contraire. Le pitch ? Marc s’enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes pour finir son film chez sa tante Denise. Sur place, sa créativité se manifeste par un million d’idées qui le plongent dans un drôle de chaos. Marc se lance alors dans l’écriture du Livre des Solutions, un guide de conseils pratiques qui pourrait bien être la solution à tous ses problèmes. Si l’hommage frontal à sa tante Suzette (déjà pièce centrale du film L’Épine dans le cœur) ne fait pas de doute (Françoise Lebrun y excelle entre douceur et fermeté affective), c’est à tous ses collaborateurs (assistant, monteur, chef op, prod) auxquels il fait référence et dresse un vibrant portrait porté par Blanche Gardin, Frankie Wallach et Camille Rutherford.
cannes 2023 // quinzaine des cinéastes // the jokers films // prochainement en salle
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LES FEUILLES MORTES
Aki Kaurismäki (finlande) compétition
Plus de 10 ans déjà que ce grand nom du cinéma européen n’avait pas foulé le tapis rouge cannois (depuis Le Havre avec le si regretté André Wilms). Le Finlandais de 66 ans (Au loin s’en vont les nuages et L’Homme sans passé) a mis en boîte son 20e film Les Feuilles mortes avec Alma Pöysti (sosie officielle de la muse historique de Kaurismäki Kati Outinen) et Jussi Vatanen (sosie officiel et troublant de notre Bastien Bouillon national). Une tragi-comédie comme une quatrième partie que l’on croyait perdue de la tétralogie entamée avec Shadows in paradise, Ariel et La Fille aux allumettes. Dans Les Feuilles mortes, deux belles âmes solitaires se rencontrent par hasard une nuit à Helsinki et chacun tente de trouver en l’autre son premier, unique et dernier amour. Leur chemin vers ce but louable est obscurci par l’alcoolisme de l’homme, la perte d’un numéro de téléphone, l’ignorance de leur nom et de leur adresse réciproques. La vie a tendance à mettre des obstacles sur la route de ceux qui cherchent le bonheur. Comme à son habitude, Kaurismäki dit presque tout avec presque rien. S’amuse avec le cinéma et son histoire, du nom du chien « Chaplin » au caméo du film du copain Jarmusch The Dead Don’t Die (et un hommage au passage à Bresson et Ozu), fait mouche avec un nombre incalculable de punchlines tellement bien senties, calées dans un rythme parfait pour l’un des films les plus courts de la compétition. Aki est arrivé en rock-star sur la tapis rouge pour la projection officielle, en pleine forme portant la caméra à la place du technicien, jouant à cache-cache avec les photographes et Thierry Frémaux lui-même en haut des marches. Protocole pas pour lui. Il est reparti comme un prince d’une salle Lumière conquise, émue et hilare.
cannes 2023 // compétition // diaphana // sortie france le 20 septembre 2023
3
LE SYNDROME DES AMOURS PASSÉES
Ann Sirot, Raphaël Balboni (belgique) semaine de la critique
Rémy et Sandra n’arrivent pas à avoir d’enfant car ils sont atteints du Syndrome des Amours Passées. Pour guérir, il n’y a qu’une seule solution : ils doivent recoucher une fois avec tou.te.s leurs ex. Tout cela dit en bonne langue franco-belge inclusive. Après Une vie démente, le duo belge à la ville comme à la scène Ann Sirot et Raphaël Balboni retrouve Lucie Debay et lui accole le désopilant rochelais Lazare Gousseau (révélé dans Baden Baden de Rachel Lang). Pas assez de venir à Cannes avec le plus des titres toutes sélections confondues, la lisère entre réel et fantaisiste marche à plein. Toute la troupe se régale à jouer des scènes les plus imprévisibles et lunaires les unes après les autres avec des sparring-partners de choix en la personne de Florence Loiret-Caille et Nora Hamzawi. Bonus track : une première utilisation déchirante d’un titre de Andrea Laszlo De Simone dans l’épilogue. Cœur avec les doigts.
cannes 2023 // semaine de la critique // kmbo // prochainement en salle
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OMAR LA FRAISE
Elias Belkeddar (france) hors compétition
C’est l’un des très rares films à prévoir sa sortie française pendant le Festival. StudioCanal avance serein avec Omar la fraise, premier film d’Elias Belkeddar, présenté sur l’affiche avantageusement comme un « Tarantino sauce algérienne ». Passé le bon mot, on ne peut pas enlever une énergie salvatrice. Du deal à la petite semaine, des mafieux au grand coeur dans un Alger repaire de petites frappes artisanales sans grand dessein ambitieux. C’est l’histoire d’Omar, plus connu sous le nom d’Omar la Fraise, est un bandit à l’ancienne. Contraint à la cavale en Algérie, il vit de petites magouilles, accompagné de son illustre acolyte Roger. Après avoir régné sur le milieu du banditisme français durant des décennies, ils doivent ensemble accepter leur nouvelle vie alors qu’ils n’ont vécu jusqu’à présent que dans la débauche et la violence. Pour incarner ce buddy movie du Maghreb, l’inénarrable Benoît Magimel alias Roro. Le gars sait décidément tout faire cela en devient presque inquiétant. Il excelle tellement dans ce rôle de parrain de bas étage à cabotiner avec ses voisines, transpirer sur sa terrasse à faire sa gym torse poil… Et pour lui donner la réplique l’impeccable Reda Kateb. Alors rien est bien sérieux dans tout ça certes mais pas la peine d’y chercher une chronique sociale sur l’Algérie de nos jours ! Ne boudons pas notre plaisir, il est bien rare de sortir d’un film et de se dire qu’il était peut-être un peu trop court !
cannes 2023 // hors compétition // studiocanal // sortie france le 24 mai 2023
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LINDA VEUT DU POULET !
Chiara Malta, Sébastien Laudenbach (italie-france) ACID
Non, ce n’est pas Linda qui a pris la bague de sa mère Paulette ! Cette punition est parfaitement injuste !… Et maintenant Paulette ferait tout pour se faire pardonner, même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Mais comment trouver un poulet un jour de grève générale ?… De poulailler en camion de pastèques, de flicaille zélée en routier allergique, de mémé en inondation, Paulette et sa fille partiront en quête du poulet, entraînant toute la « bande à Linda » et finalement tout le quartier. Mais Linda ne sait pas que ce poulet, jadis si bien cuisiné par son père, est la clef de son souvenir perdu… Au fait, quelqu’un sait tuer un poulet ? Ici le point de départ d’un film éminemment drôle et tendre pour toute la famille qui plus est ! Oubliez les super-héros, dans Linda veut du poulet ! ça cause grêve générale, et recette de grand-mère. Une poésie toute en grâce à hauteur de bouts de chou avec les voix impeccables de Clotilde Hesme et Esteban notamment. Une merveille à mettre entre les mains de toute la famille
cannes 2023 // acid // gebeka films // sortie france le 18 octobre 2023
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SIMPLE COMME SYLVAIN
Monia Chokri (canada) un certain regard
Monia Chokri s’est forgée une solide réputation après La Femme de mon frère et Babysitter. Projetée sur le devant de la scène avec Les Amours Imaginaires de Xavier Dolan avec qui elle partageait l’affiche avec Niels Schneider, Monia Chokri épouse maintenant une carrière de réalisatrice régulièrement au travail. Avec Simple comme Sylvain, elle s’attache à Sophia professeure de philosophie à Montréal et vit en couple avec Xavier depuis 10 ans. Sylvain est charpentier dans les Laurentides et doit rénover leur maison de campagne. Quand Sophia rencontre Sylvain pour la première fois, c’est le coup de foudre. Les opposés s’attirent, mais cela peut-il durer ? Si le propos semble vu et revu, le casting est pour beaucoup dans les tornades de rires qui ont envahi la salle Debussy avec Magalie Lépine-Blondeau et surtout Pierre-Yves Cardinal (Tom à la ferme) en tête. Ils y sont totalement irrésistibles.
cannes 2023 // un certain regard // memento // prochainement en salle