L’événement cinéma 2024 a déferlé sur la Croisette
MEGALOPOLIS
Francis Ford Coppola (US) Compétition
Commencé en 2001 puis stoppé net suite aux attentats du 11 septembre, le tournage de ce pari complètement dingue, plus cher film auto-produit de l’histoire, a repris vingt ans plus tard en studios à Atlanta et dans les rues de New York. Métaphore de l’Amérique et auto-portrait assumé du génie octogénaire du nouvel Hollywood (combien de références à « Francis » dans le film ?), Megalopolis est arrivé à Cannes sans concurrence aucune comme le film le plus attendu du Festival (voire de l’année tout court en toute honnêteté). Le bruissement préparatoire avant le noir salle en projection de presse rappelait les mêmes trépignements ressentis 13 ans plus tôt quand The Tree of Life de Terrence Malick s’avançait avant de remporter la timbale dorée. 120 Millions de dollars donc, un peu cher l’épitaphe cinématographique ? C’est certain. Mais quand on veut se réinventer depuis 50 ans que l’on fait ce métier, après avoir raflé deux palmes d’or, posé les bases ici et là du cinéma moderne avec la trilogie la plus mythique et le film de guerre qui n’a pas fini plus de 45 ans plus tard de livrer tous ses secrets, si l’on ne veut jamais sombrer dans la redite, c’est sans doute le prix à payer. Et le risque. Car disons le tout net c’est une immense déception qui parcourt la Croisette depuis jeudi soir. Megalopolis se voulait une épopée romaine dans une Amérique post-moderne imaginaire en pleine décadence. La ville de New Rome doit absolument se « réinventer » (tiens j’ai déjà lu ça quelque part), ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina (Adam Driver), artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicero (Giancarlo Esposito). Le premier rêve d’un avenir utopique idéal alors que le second reste très attaché à un statu quo régressif protecteur de la cupidité, des privilèges et des milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicero (Nathalie Emmanuel), amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et devra découvrir ce qui lui semble le meilleur pour l’avenir de l’humanité. Rajoutez à cela le badass Clodio Pulcher alias Shia LaBeouf revenu de l’enfer et cabotineur hors pair et vous aurez le round up principal d’un maelström d’abord clinquant (les premières minutes sont trait pour trait les images du teaser alléchant qui tourne sur la toile depuis une semaine et qui donnait au film des couleurs de Vertigo et Matrix réunis) puis tout ce qui nous paraissait novateur et passionnant se délite comme la meilleure pâtisserie avariée. Un frisson nous a traversé quand, au bout de 80 minutes de jeu, un happening hallucinatoire est arrivé : en pleine projection alors que le personnage d’Adam Driver s’apprête à répondre aux questions des journalistes en conférence de presse, un micro sur pied est installé sur la scène devant l’écran avec un (vrai) journaliste-acteur qui commence à poser les questions à l’écran, et à Adam Driver de lui répondre comme si de rien n’était. Du jamais vu bien évidemment mais on souhaite bien du courage à Jean Labaie et toute l’équipe de distributeurs chez Le Pacte pour l’organiser dans toutes les séances de France et de Navarropolis ! Mais il fallait bien plus que ça pour satisfaire notre estomac encore vide de grands chocs cette année à Cannes. Pas même la galerie hallucinante de stars venues répondre à l’appel du Boss Coppola : de Jon Voight à Dustin Hoffmann en passant par Jason Schwartmann, Aubrey Plaza, James Remar et Laurence Fishburne.
cannes 2024 // compétition // le pacte // prochainement au cinéma